L’argument a été entendu à de nombreuses reprises au cours du débat sur le tiers payant généralisé : étant donné qu’il y a plus de 600 complémentaires santé en France, comment le médecin pourra-t-il s’y retrouver et savoir à qui envoyer sa facture ? Il est vrai que s’il fallait un seul mot pour désigner le monde des complémentaires, ce serait « complexité ». À tel point que certains analystes estiment que celle-ci est délibérée.
« C’est un système d’une opacité auto-entretenue par les opérateurs », juge par exemple Frédéric Bizard, économiste de la santé, enseignant à Sciences-Po et auteur d’un brûlot contre les acteurs du métier (« Complémentaires santé : le scandale », Dunod, 2013). La même observation se retrouve chez des observateurs plus enclins à l’indulgence envers les complémentaires comme Brigitte Dormont, titulaire de la chaire santé à l’Université Paris-Dauphine. « Les contrats sont tellement compliqués que les gens ne sont pas capables de faire leur choix », explique cette économiste dont la chaire bénéficie pourtant du soutien de la MGEN. Pour elle, cela pose le problème de la concurrence. Laquelle « ne marche pas » sur le marché de la complémentaire, indique-t-elle.
Des profits limités
Mais attention : concurrence inefficace ne veut pas dire concurrence atone. D’après les chiffres du dernier rapport de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (drees) sur la situation financière des complémentaires, les acteurs de ce marché dépensent en moyenne 8 % des primes qu’ils collectent en marketing, poste budgétaire qu’ils rebaptisent pudiquement « frais d’acquisition ».
De telles dépenses affectent fortement les profits : contrairement à une idée reçue, ceux-ci sont modestes. Toujours d’après le rapport de la drees, les opérateurs avaient collecté en tout 33,3 milliards d’euros de primes en 2012 pour un résultat technique combiné de 59 millions d’euros, soit une rentabilité d’environ 0,2 %. En réalité, le marché est segmenté. Si les complémentaires sont à la limite de la rentabilité sur les contrats collectifs (majoritairement souscrits par des salariés du privé), elles se rattrapent sur les contrats individuels (où l’on retrouve surtout des retraités, des étudiants et des fonctionnaires). Pour les premiers, le résultat technique des complémentaires est en moyenne de +2,9 % d’après les données de la drees, alors qu’il est de -3,5 % pour les seconds.
Avis de tempête sur le secteur
Davantage que la concurrence, à laquelle les acteurs du secteur sont habitués, ce sont les grands bouleversements institutionnels en cours qui risquent de perturber prochainement le monde des complémentaires. L’entrée en vigueur de la complémentaire obligatoire pour tous les salariés au 1er janvier 2016 va entraîner un afflux de nouveaux assurés, ainsi qu’un immense transfert des contrats individuels vers les contrats collectifs. Cela obligera les opérateurs à s’adapter. Parallèlement, le secteur de l’assurance dans son ensemble va devoir se conformer à la directive européenne Solvabilité 2, qui imposera à partir de 2016 de nouvelles obligations en termes de gouvernance, de ratios financiers et de rapportage.
Enfin, le marché est en train de vivre un mouvement de concentration extraordinaire. D’après la drees, les complémentaires santé étaient plus de 1 700 au début des années 2000. Elles sont maintenant environ 600. Et les rapprochements se poursuivent, comme le montre l’accord annoncé en début d’année entre la MGEN et Harmonie. Les fusions sont probablement appelées à continuer, ce qui aura au moins une vertu aux yeux du profane : la simplification…
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