La plus grande réforme hospitalière depuis la création des CHU

Les GHT déjà à l'épreuve du terrain

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Publié le 29/03/2016
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Dix millions d'euros de crédits supplémentaires, un comité de suivi et un calendrier assoupli. Telles sont les trois mesures que Marisol Touraine vient de sortir de son chapeau pour accompagner la naissance des groupements hospitaliers de territoire (GHT).

Inscrite dans la loi de santé, cette vaste réorganisation de la carte hospitalière connaît sur le terrain un bon accueil de principe mais souffre aussi de ratés ou de retards à l'allumage qui inquiètent directeurs, médecins, maires et usagers. Tous pointent aussi le risque de construction technocratique. 

Les 1 100 hôpitaux n'ont pourtant pas le choix. Pour ou contre, ils doivent adhérer à un GHT. La réforme permettra de « consolide[r] l’égalité d’accès aux soins pour tous, en tout point du territoire, tout en laissant aux établissements la liberté nécessaire pour définir le projet médical », a assuré la ministre de la Santé, jeudi dernier, aux directeurs d'hôpitaux dont elle attend une très forte mobilisation sur ce dossier sensible.

Les patients seront pris en charge dans une logique de gradation des soins au sein de GHT « de taille raisonnable », avait-elle déjà certifié aux praticiens inquiets.

 

Le département, référence possible

 

Sur le papier, les futurs GHT ont donc presque tout pour plaire. Dans certaines régions, la réforme va bon train. En Centre-Val de Loire, l'ARS a déjà enregistré six GHT calqués sur un périmètre tracé d'avance : le département. 

En Bourgogne-Franche-Comté, quatre des dix GHT prévus se superposent aux communautés hospitalières de territoire (CHT) existantes, prémices des GHT qui remontent à la loi Bachelot. Même facilité dans l'Oise, où l'hôpital de Beauvais devrait piloter un ensemble fondé sur les bases d'une CHT en action depuis 2010.

L'Ile-de-France avance aussi. Les 14 projets de GHT sont déjà prédéfinis, en association avec l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP). Le régime spécifique dont bénéficie le premier CHU francilien (au même titre que les HCL à Lyon et l'AP-HM à Marseille) a permis, semble-t-il, d'éviter le casse-tête.

 

Peur de la vampirisation

 

Malgré les discours apaisants des tutelles, certaines remontées du terrain font état d'une réalité plus délicate. La question de la taille du territoire couvert par le GHT reste l'un des principaux freins à la mise en place de la réforme.

De fait, les actuelles CHT ne permettent pas de délimiter tous les futurs groupements. Et seul un hôpital sur quatre est inclus dans un tel dispositif, parfois loin de s'appuyer sur un projet médical commun.

En Alsace par exemple, Haguenau (Bas-Rhin) s'oppose ainsi à la création d'un GHT départemental « XXL » faisant la part belle au CHU de Strasbourg. En Haute-Loire (lire ci-dessous), les frontières administratives sont contestées par la communauté médicale qui leur préfère une logique de parcours de soins.

La peur de la vampirisation du gros sur le petit persiste. En Loire-Atlantique, Saint-Nazaire, dans le rouge, se méfie du puissant CHU de Nantes. À Dreux (Eure-et-Loir), les agents sont en grève depuis plus d'un mois contre le « démantèlement » du service public hospitalier que cache selon eux la réforme.

Pour trancher, les ARS doivent aussi composer avec les inimitiés locales. Ainsi en est-il dans l'Allier, où l'antipathie réciproque entre Moulins et Montluçon bloque le processus.

 

Qui encaisse quoi ?

 

Certains hôpitaux peinent à s'approprier une réforme qui se veut intégrative... tout en conservant l'autonomie des structures. « Les hôpitaux ne savent pas comment se saisir du dossier, explique Me Laurent Houdart, qui conseille une dizaine d'établissements en difficulté. Les GHT ne répondent pas à une logique de coopération mais de préfusion, de transferts mécaniques de compétence. Quid de la disposition des personnels, de la responsabilité des établissements ? Qui encaisse quoi ? Rien n'est clair. »

Certains, enfin, ne savent pas comment préserver dans un dispositif 100 % public leurs coopérations avec le secteur médico-social et privé, commercial ou à but non lucratif – ces établissements étant uniquement « partenaires » des GHT. Quant aux établissements psychiatriques (encadré), ils tirent depuis des mois la sonnette d'alarme et réclament des dérogations. 

 

 

 

Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du médecin: 9483