Sous le titre « les mauvais combats des médecins libéraux face à l'assurance-maladie », « Libération » publie dans son édition du 29 juin un réquisitoire contre les praticiens qui négocient depuis fin février avec le patron de la CNAM une nouvelle convention.
Dans cet éditorial très engagé, le quotidien n'y va pas avec le dos de la cuiller. Il décrit ces négociations comme une « bataille de chiffonniers d'un autre temps » et reproche aux syndicats de s'écharper sur le prix de la consultation, « alors que près d'un tiers des revenus des médecins libéraux provient d'autre chose que du seul paiement à l'acte » (cette proportion est excessive puisque selon l'assurance-maladie, un généraliste gagne 31,40 euros par consultation et non 23 euros si l'on ajoute les diverses majorations, la ROSP et la prise en charge des cotisations sociales, NDLR).
L'obscénité de la régulation
Présentant les syndicats libéraux comme « arc-boutés sur des valeurs qui ne fondent pourtant plus leurs pratiques », l'article leur reproche en outre de ne jamais aborder la question de la liberté d'installation. « Comme s'il était obscène de réguler les lieux d'installation des futurs médecins, alors que les infirmières, les pharmaciens, les enseignants, le font », insiste l'éditorialiste, qui ajoute dans la foulée que « c'est la collectivité qui paye aux futurs médecins leurs études ».
« Libération » décèle en outre un « autre archaïsme ». Les négos actuelles visent à mettre sur pied une convention nationale, or, rappelle-t-il, les conditions d'exercice dans un village de la Creuse n'ont rien à voir avec celles d'un généraliste dans une grande métropole, qui doit payer des loyers importants. « Plutôt que de laisser une marge de manœuvre aux régions et aux territoires pour s'adapter, on veut fixer un cadre unique », analyse « Libé ».
Plus généralement, l'article reproche aux partenaires conventionnels d'ignorer la e-médecine ou l'explosion des maladies chroniques. « On va continuer à parler gros sous et dépassements d'honoraires, regrette-t-il, alors les nouvelles générations se disent prêtes à de nouvelles pratiques ».
Médecins en colère
Ce papier au vitriol n'a pas manqué de faire réagir les médecins libéraux sur les réseaux sociaux.
Le Dr Christian Lehmann a fait partie des premiers à planter ses banderilles.
Depuis des années il réussit à refourguer à @libe sa même chronique moisie sans bouger son cul de sa chaise. Respect https://t.co/0l6mWcOGGt
— Christian Lehmann (@LehmannDrC) June 28, 2016
Dans une courte vidéo postée sur Twitter, le Dr Jérôme Marty, président de l'Union française pour une médecine libre (UFML), pousse un coup de gueule contre le journaliste. « Notre combat, explique-t-il, c'est la défense de la liberté et de l'indépendance de notre profession. [...] On n'en est pas à discuter des 25 euros ! [...] Aujourd'hui les médecins ne s'installent plus, à 55 ans ils déplaquent et certains fuient la France. Il y a un problème de gouvernance. »
De son côté, le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, commence par rappeler que la collectivité paye pour les études de tout le monde et pas seulement pour les médecins, « ça n'est pas pour ça qu'on oblige tous les jeunes diplômés à aller exercer leurs talents dans un lieu déterminé par l'administration ».
Plus généralement, le Dr Ortiz conseille à l'auteur de cet édito de lire ses propositions pour une convention novatrice. « Nous militons pour des actes médicaux à valeur différenciée en fonction de leur complexité, rappelle-t-il. Les archaïques, ce sont le ministère et la CNAM qui ne mettent pas de moyens sur la table. C'est une négo archaïque, et c'est pour ça que la CSMF l'a quittée ».
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