En FRANCE, le taux de couverture de la vaccination antigrippale des enfants à risque est décevant, malgré les efforts réalisés chaque année pour promouvoir la campagne vaccinale. Si la recommandation concerne la protection des enfants à risque, la recherche d’un bénéfice indirect dans la population par la vaccination des enfants d’âge scolaire et préscolaire, qui sont les principaux vecteurs du virus, serait une ouverture potentielle. Enfin, si les termes d’altruisme et de protection de la communauté ne parlent pas forcément aux parents, la notion de protection dans la famille de l’entourage proche de personnes vulnérables est un message plus porteur.
Le taux de couverture vaccinal reste globalement loin de l’objectif de 75 %. Pendant la saison 2003-2004 le taux de couverture globale des enfants à risque, hospitalisés en région parisienne, était de 43,7 %, variable selon les pathologies sous-jacentes (55,5 % dans les hémoglobinopathies et seulement 12,8 % dans les maladies respiratoires chroniques, au premier rang desquelles se trouve l’asthme) (1). Malgré la recommandation élargie à toute forme d’asthme en 2006, un travail ultérieur montrait un taux de couverture de 15,7 % (F. Rancé et al. Eurosurv).
Cette situation n’est pas propre à la France et se retrouve dans de nombreuses autres études européennes et américaines. Comment améliorer l’adhésion des parents et des médecins à cette vaccination, dont la tolérance locale et générale est aussi bonne que celle des autres vaccins recommandés ? Plusieurs problèmes se posent selon l’âge des enfants concernés.
Avancer la première dose vaccinale.
Jusqu’à 9 ans, la nécessité de pratiquer 2 doses de vaccins inactivés en primovaccination a été démontrée. De 6 à 36 mois, l’utilisation de deux demi-doses est préconisée. La recommandation est de faire deux injections à un mois d’intervalle, dès la mise à disposition des vaccins annuels au début de l’automne et jusqu’au 31 janvier. Or ce schéma rigoriste ne fonctionne pas en pratique. La deuxième dose est rarement faite, même si la vaccination est bien initiée. Pendant la saison 2009-10, aux États-Unis, la couverture vaccinale (≥ 1&dose) des enfants de tous âges atteignait 26,3 %, (plus 5,5 % par rapport à la saison 2008-09) et 55,7 % chez les 6-23 mois, mais seuls 34,7 % d’entre eux avaient reçu la deuxième dose.
Une solution serait d’élargir le temps vaccinal, en le désenclavant de son contexte saisonnier. Un médecin confronté à un enfant à risque pourrait alors réaliser la première dose tout au long de la durée d’AMM des vaccins, jusqu’en avril ou mai. En effet, les souches virales ne mutent pas de façon importante tous les ans et il est exceptionnel que les trois souches changent chaque année. L’OMS annonce dès le mois de février les souches entrant dans la composition du vaccin de la saison suivante. Si ces souches n’ont pas changé, cette première dose serait assurée et il ne resterait plus qu’à réaliser la deuxième dose, avec le vaccin de la saison suivante au début de l’automne. Ce changement de stratégie radical, basé sur une réflexion pragmatique, pourrait peut-être permettre d’améliorer sensiblement le taux de primovaccination complète.
Arrivée imminente du vaccin par voie nasale.
Un autre espoir réside dans la mise à disposition prochaine de vaccins par voie nasale. Outre leur mode d’administration simplifié, ces vaccins vivants atténués ont l’intérêt de mimer la maladie naturelle, dont on sait qu’elle provoque une réponse immune différente de celle obtenue avec les vaccins inactivés, notamment en termes d’immunité cellulaire. La protection clinique chez les enfants semble, dans les études déjà publiées, très intéressante, avec une protection clinique 30 à 40 % supérieure à celle obtenue avec les vaccins inactivés injectables. La limite de ces vaccins par voie nasale réside cependant dans la restriction de leur utilisation aux enfants de 2 ans et plus sans facteurs de risque, du fait de l’observation dans les études d’une majoration du risque de wheezing chez les nourrissons.
Avant l’âge de 2 ans, se pose par ailleurs le problème de l’efficacité des vaccins inactivés traditionnels, les preuves de leur potentiel de réponse clinique manquant chez le jeune enfant. Deux études récentes montrent cependant que l’utilisation de doses pleines avant 36 mois, au lieu des demi-doses recommandées, apporte une qualité de réponse immune plus satisfaisante, sans modifier la tolérance, pouvant laisser espérer une amélioration conjointe de la réponse clinique. D’autres pistes existent pour les enfants de moins de 2 ans, notamment l’utilisation de vaccins adjuvantés avec le MF59 qui permet une meilleure immunogénicité, déjà utilisé chez l’enfant dans un vaccin pandémique, sans aucun signal de tolérance. Le développement de vaccins ribosomaux et de vaccins quadrivalents sont en cours d’évaluation .
Vacciner les femmes enceintes.
Chez les nourrissons de moins de 6 mois, il existe un vrai vide vaccinal. Le seuil de 6 mois a été fixé de façon arbitraire dans les années 1970 lors du développement des premiers vaccins antigrippaux, et depuis aucun essai clinique n’a été fait dans cette tranche d’âge. Seule la stratégie du cocooning recommandée actuellement peut protéger les nouveau-nés et les nourrissons à risque, particulièrement vulnérables au virus grippal, en vaccinant l’entourage (parents, fratrie mais aussi cercle familial proche et professionnels de la petite enfance) pour prévenir la maladie chez le nourrisson.
Une autre stratégie consiste à vacciner par un vaccin trivalent inactivé des femmes enceintes au dernier trimestre de la grossesse. Certains pays, comme les États-Unis, le Canada ou l’Australie, ont commencé à promouvoir de façon large la vaccination des femmes enceintes depuis plusieurs années. En Europe, la tendance a démarré plus tardivement, principalement au cours de la période pandémique, avec une prise de conscience aiguë de la gravité potentielle de la maladie pour les femmes enceintes et pour le fœtus. Plusieurs études bien conduites ont démontré que la vaccination des femmes enceintes assurait un taux de protection clinique intéressant chez le nourrisson jusqu’à l’âge de 6 mois, contre la grippe-maladie mais aussi contre l’ensemble des syndromes grippaux non identifiés virologiquement.
D’après un entretien avec le Pr Catherine Weil-Olivier, pédiatre à l’hôpital Louis-Mourier, Colombes.
(1) Weil-Olivier C, et coll. Influenza vaccination coverage rate in children with underlying chronic disorders in 7 French pediatric wards. Arch Pediatr 2006;13:1287-93.
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