Par le Dr Bernard Maroy*
Madame la Ministre,
Je me permets de vous écrire en ce qui concerne certains dysfonctionnements de votre ministère qui datent de bien avant votre prise de fonction.
J’ai commencé mon externat en 1968 et mon exercice libéral de gastro-entérologue en 1979.
Je désirerais rapporter ce que je pense être des anomalies dans le fonctionnement du système de santé, la dernière étant les ruptures de stock de médicaments dont la fréquence est de plus en plus élevée. (...) De plus en plus fréquentes, elles témoignent d’un problème systématique, quel qu’il soit, et qu’il faudrait résoudre.
J’ai noté également de nombreux retraits de médicaments, soit sans aucune raison vraiment compréhensible. (...) L’affaire de la Diane 35 est désolante mais représentative de la prééminence de la forme sur le fond : le vrai problème est de savoir si ce médicament a un effet contraceptif aussi efficace que les autres « pilules » et si il entraîne des thromboses plus fréquentes. Ceci n’est pas évident, compte tenu de 4 accidents en plus de 20 ans et la France s’est vue, logiquement, désavouer par l’Europe. J’ai posé immédiatement la question à l’AFSSAPS mais j’attends toujours la réponse. La prescription hors AMM est indispensable si on veut pratiquer une médecine moderne, la pédiatrie ou s’intéresser aux pathologies rares. (...)
La folie judiciaire irresponsable rend tous les médecins coupables : on est passé d’un patient qui devait faire la preuve de l’insuffisance d’information à la culpabilité du médecin, en l’absence d’un quelconque dommage, s’il ne peut prouver qu’il a précisé au patient tous les risques décrits, même s’ils n’ont été décrits qu’une seule fois. Ceci est, évidemment, impossible dans la pratique et d’autre part, contribuerait à dissuader de tout examen ou traitement. Le patient refuserait un toucher rectal si on lui disait qu’on a décrit des morts subites par réflexe vagal !
Dans le même cadre, nombreux sont les patients qui déclarent qu’heureusement, ils n’ont pas lu la notice du médicament car ils ne se seraient pas soignés et n’auraient donc pas guéri. Le salmigondis entre remarques utiles, voire nécessaires, avec les signes de la maladie traitée et les effets secondaires de fréquence moindre qu’avec le placebo, noie des éléments pertinents sous un torrent de données non pertinentes. Je suis obligé de dire aux patients que ces notices sont faites pour protéger ceux qui les écrivent et non ceux qui les lisent.
La recherche prétendue d’une hypothétique perfection technique se fait au détriment des coûts et de l’humanité. (...)
La réforme des études médicales a été un désastre. L’externat pour tous s’est transformé en quelques années en externat pour personne. L’internat pour tous a détruit la médecine interne dans son application multidisciplinaire qui était la fierté de la France et les spécialistes ne connaissent plus le reste de la médecine. Ils ne connaissent pas mieux leur spécialité et il leur manque les bases qu’ils ne pourront jamais acquérir et qui permettaient d’éviter une myopie diagnostique en prenant du recul et de faire des diagnostics transdisciplinaires.
De plus, comme pour les externes, les responsabilités des internes ont beaucoup diminué et ils remplissent actuellement plutôt des rôles d’externes. Pire encore, la formation dans la spécialité ne porte souvent que sur une partie de celle-ci, rendant les médecins formés inaptes à l’exercice libéral. (...)
Ces problèmes sont tellement criants et pourtant si anciens, si graves et si incrustés dans la pensée du personnel ministériel, véritable décideur de la politique qui a montré sa réelle valeur quand il s’est retrouvé à la tête d’entreprises concurrentielles comme le Crédit Lyonnais, le Crédit Foncier ou le Comptoir des Entrepreneurs que je n’escompte aucun effet de cette lettre.
Cependant, elle me permet de soulager ma bile, ce qui est important pour un hépatologue.
Veuillez agréer Madame la Ministre, l’assurance de ma haute considération.
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