Marisol Touraine rêvait d’accoler son nom à une loi de santé fondatrice, texte emblématique de la deuxième partie du quinquennat Hollande. Las, ce projet est devenu synonyme de crispations et de mécontentements, au point de soulever un vent de fronde de la médecine libérale inédit depuis la loi Bachelot.
Le trouble du corps médical prend forme dès juin, lorsque Marisol Touraine dévoile les grandes lignes de son texte, juste avant la trêve estivale. « La loi de santé se mêle de tout, la profession en alerte », titre alors « Le Quotidien ». Au-delà du manque de moyens de ce projet de loi, les libéraux fustigent d’emblée la vision « étatique » de l’organisation territoriale et de la pratique médicale, aux antipodes du virage ambulatoire promis dans la stratégie nationale de santé. Certes, le volet « prévention » est salué (lire aussi page 8) mais le projet de loi dans son ensemble donne le tournis aux médecins, perçu comme un vaste catalogue de mesures inquiétantes. Le tiers payant généralisé obligatoire concentre les critiques (lire ci-dessous).
Mauvaises surprises
La tension monte d’un cran à la rentrée de septembre. La profession découvre le contenu des 54 articles rédigés par le ministère de la Santé sans concertation réelle.
Les médecins s’élèvent contre une demi-douzaine de sujets conflictuels : le service territorial de santé au public (STSP) aux relents « dirigistes » (avec la montée en puissance des agences régionales de santé) ; le nouveau service public hospitalier (SPH) à tarifs opposables perçu comme une « provocation » par les cliniques qui redoutent une marginalisation ; les compétences vaccinales des sages-femmes et des pharmaciens et la mise en place de nouveaux métiers (infirmière clinicienne) que les médecins ressentent comme une dépossession ; le retour de la pratique du « testing » (contre les refus de soins) et bien sûr le tiers payant généralisé pour 2017, grosse pomme de discorde. « Vous avez aimé la loi Bachelot, vous adorerez la loi Touraine », grince un leader syndical. Les spécialistes de ville, eux, s’estiment totalement écartés.
De leur côté, les syndicats de PH protestent contre la gouvernance hospitalière et les modalités de nomination des chefs de pôle (ce point sera amendé rapidement).
Cortège de griefs
Face aux critiques croissantes et aux appels à la mobilisation des libéraux, Marisol Touraine s’emploie à donner des gages : la liberté d’installation sera garantie, le volontariat préservé dans la permanence des soins, le « terrain » aura l’initiative de l’organisation territoriale, les pratiques avancées des paramédicaux n’enlèveront pas de prérogatives aux médecins, le système de tiers payant sera simple et sécurisé.
Dans nos colonnes, le 20 octobre, la ministre de la Santé admet qu’ « on ne peut pas plaquer partout la même organisation définie d’en haut ». Conscient du risque politique, François Hollande promet, lors du congrès de l’Ordre des médecins, d’associer pleinement les médecins à la réforme.
Mais faute d’aménagements précis sur tous les sujets qui fâchent, c’est un dialogue de sourds qui s’installe entre le ministère de la santé et les syndicats de médecins libéraux. Malgré des concessions ministérielles en décembre (report de l’examen parlementaire, aménagement du service public hospitalier, groupe de travail sur le tiers payant…), et une nouvelle séquence de concertation, la contestation ne faiblit pas.
Généralistes, spécialistes et cliniques privées (FHP) confirment des appels à la fermeture des cabinets, à la grève de la permanence des soins et à l’arrêt d’activité en fin d’année et au début de 2015 (lire ci-dessous).
Surtout la grogne médicale agrège nombre de mécontentements et de frustrations qui dépassent la loi de santé (honoraires bloqués, contraintes administratives, encadrement des prescriptions). C’est désormais le retrait du projet de loi de santé, ou du moins sa réécriture complète, que la majorité de la profession réclame.
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