« Nous devons sans cesse réaffirmer que le droit des femmes à disposer de leur corps appartient à la grande famille des droits fondamentaux reconnus à la personne humaine. Nous devons le défendre et le promouvoir », a déclaré la ministre de la Santé Marisol Touraine, en présentant le programme national d’actions pour améliorer l’accès à l’IVG, au centre de planification familiale de l’hôpital Delafontaine, à Saint-Denis.
Comme le constatait le Haut conseil de l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) en novembre 2013, le droit à l’avortement demeure encore un droit « à part », qui se heurte à des freins moraux (l’IVG est souvent perçu comme un échec dans la maîtrise de la contraception), sociaux, et matériels. En dix ans, plus de 130 établissements de santé (5 % du public, 48 % du privé) ont fermé et le manque de moyens et de personnels contribue à allonger les délais de consultation et à réduire le choix de la méthode pour les femmes.
Une campagne d’information sur l’avortement
Le premier volet du programme national d’actions, qui s’inspire des recommandations du HCEfh, vise à mieux informer les femmes. Après le site internet ivg.gouv.fr lancé en septembre 2013 pour lutter contre les cybers campagnes de désinformation, un numéro national d’appel sur la sexualité, la contraception et l’IVG sera créé en septembre 2015. Il s’appuiera sur les plateformes régionales existantes et l’expertise du mouvement français du planning familial (MFPF).
Une campagne d’information l’accompagnera, pour réaffirmer « le droit des femmes à choisir leur sexualité, leur contraception, et leur droit à arrêter une grossesse non désirée », selon les mots de la ministre.
Améliorer la prise en charge
Mesure très attendue, qui complète la prise en charge à 100 % par l’assurance-maladie de l’acte de l’IVG décidée en 2012, le plan prévoit dès l’automne 2015 (via un décret en Conseil d’État) le remboursement total des examens complémentaires (biologie médicale, échographies de datation et de contrôle, consultation du recueil du consentement).
Une procédure pour les IVG tardives (entre 10 et 12 semaines de grossesse) sera élaborée par les réseaux de santé en périnatalité qui recevront une instruction ce mois-ci. « Les femmes ont souvent des difficultés à trouver des médecins qui acceptent ces situations. Or elles doivent pouvoir avorter en urgence, et le droit doit s’appliquer complètement, jusqu’à 12 semaines », a insisté Marisol Touraine.
Les sociétés savantes seront chargées de publier un guide de bonnes pratiques destiné aux professionnels de santé, pour respecter le choix des femmes, sans les culpabiliser.
L’avortement entre dans les CPOM
Pour renforcer une offre diversifiée sur tout le territoire, la ministre donnera instruction aux agences régionales de santé (ARS) d’inclure l’avortement dans les contrats d’objectifs et de moyens (CPOM) qui les lient aux établissements, sur le modèle du programme FRIDA (voir encadré) en Ile-de-France.
Pour contrer les effets d’une démographie médicale en berne, les sages-femmes pourront faire des IVG médicamenteuses comme le prévoit la loi de santé, et les centres de santé pourront réaliser des IVG instrumentales, dans des conditions de sécurité précisées par la Haute autorité de santé (HAS). L’exigence d’un service minimum de 4 demi-journées aujourd’hui nécessaire pour avoir le statut de praticiens hospitaliers contractuels sera supprimée pour faciliter le recrutement dans les services pratiquant les IVG.
Enfin, une commission sur les données et la connaissance de l’IVG, chapotée par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) devra produire un état des lieux de la pratique de l’IVG fin 2015.
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La clause de conscience et le délai de réflexion demeurent
La présidente du HCEfh Danielle Bousquet salue de grandes avancées : « grâce à l’élargissement de l’offre et au remboursement des examens complémentaires, on est en marche vers l’effectivité de ce droit pour toutes les femmes ». La réflexion doit se poursuivre néanmoins sur la question de l’anonymat des mineurs et des ayants droit qui n’est toujours pas garantie dans les faits, poursuit-elle.
Tout en affichant sa satisfaction face à un « beau programme », le Dr Gilles Lazimi, directeur du centre municipal de santé de Romainville, et membre de la commission « violences de genre » du HCEfh, laisse poindre sa déception sur le maintien de la clause de conscience pour les médecins et du délai de réflexion de 7 jours entre les deux premières consultations. « J’attendais plus de courage politique pour que ce délai soit supprimé, sinon diminué ». Le Dr Lazimi dit aussi espérer « que les moyens vont suivre pour s’assurer que tous les hôpitaux pratiquent l’IVG jusqu’à 12 semaines » et que l’autorisation pour les centres de santé de réaliser des IVG instrumentales sera effective rapidement. « Il a fallu attendre près de 4 ans pour que le décret sur l’IVG médicamenteuse en ville paraisse », rappelle-t-il.
« La contraception et l’IVG sont deux facettes d’un même choix. Ce plan sanctuarise l’IVG comme un acte comme un autre et devrait contribuer à sa déstigmatisation », se félicite Véronique Séhier, co-présidente du planning familial, tout en regrettant aussi le maintien de la clause de conscience.
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