Ils étaient 44 généralistes, ils ne sont plus que 20. À Sens, au nord de la Bourgogne, plus de la moitié des médecins ont disparu ces vingt dernières années. La situation est vite devenue dramatique pour les 15 000 personnes sans médecin traitant sur le secteur d’intervention de SOS Médecins, des personnes âgées pour la plupart. « À Sens, certains patients ne trouvent plus aujourd’hui de médecin pour les soins chroniques. Nous avons donc cherché comment l’association pouvait assurer la prise en charge de ces personnes en difficulté », explique le Dr Jean-Luc Dinet de SOS Médecins Sens. Une situation avec un air de déjà vu. Il y a 50 ans, Marcel Lascar avait créé SOS Médecins pour répondre à un besoin de soins aigus, alors qu’il était plus simple de trouver un plombier.
« Médecine traitante »
Il fallait trouver LA solution pour suivre les patients au jour le jour, dans ce désormais désert médical. Chez SOS Médecins Sens, une idée a alors germé : utiliser les moyens actuels de SOS Médecins France, à savoir les logiciels métiers qui permettent de partager le dossier médical, les permanenciers du centre de Cherbourg, qui prennent les appels, les secrétaires…, en vue de séparer la partie aiguë de la partie chronique. « Avec l’aide du Centre d’action sociale de la ville de Sens – notre soutien au même titre que les plombiers l’étaient pour Marcel Lascar en 1966 – nous avons décidé de suivre ces patients en “médecine traitante” sur la période la plus courte possible (3 à 6 mois, voire un an), en attendant de les réintroduire dans un système “conventionnel”. Nous sommes passés de la prise en charge d’un soin inopiné, non programmé, à celle de la gestion d’une situation non programmée sur une période plus courte », souligne
Jean-Luc Dinet.
Aujourd’hui, grâce au centre de consultations qu’il a créé, SOS Médecins Sens prend en charge les 150 000 habitants de tout le nord de l’Yonne qui sont en grande difficulté de soins. Les consultations, ouvertes de 7 heures à 23 heures, sont uniquement sur rendez-vous, après appel et régulation au 3624. Les médecins qui y travaillent sont « fiers » de leur cabinet dont le socle est l’indépendance financière. Cette prise en charge des soins est, bien sûr, accompagnée de l’activité « classique » de SOS Médecins, à savoir les visites à domicile des 50 000 habitants de la zone.
« Nous accomplissons entre 28 000 et 30 000 actes par an, sur un territoire très étendu », se félicite le Dr Dinet.
Des difficultés à surmonter
Cinquante ans après, SOS Médecins est confronté exactement aux mêmes problématiques que Marcel Lascar en 1966, certes un peu moins aiguës, mais tout aussi présentes. À ses tout débuts, SOS Médecins avait essuyé de nombreuses critiques. « Nous sommes confrontés en 2016 aux mêmes difficultés avec les services administratifs et le Conseil de l’ordre. Notre combat est très novateur. Nous voulons faire reconnaître l’association comme médecin traitant. Ce statut n’existe pas actuellement. Les hommes et les femmes de SOS Médecins passent, mais l’association reste pérenne. C’est ce qui en fait la force », ajoute le Dr Dinet. Et, pour que ces consultations puissent perdurer, elles devront continuer d’être portées par la structure. Cette prise en charge temporaire, en attendant que le relais soit passé à un médecin traitant, est, en effet, destinée aux personnes âgées,
souvent dépendantes.
« D’aucuns reprochent à SOS Médecins de mettre des verres d’eau dans une baignoire qui fuit. Ils ont tout à fait raison, estime Jean-Luc Dinet. Depuis 50 ans, c’est ce que font les associations sur tout le territoire. Elles n’ont pas pour mission d’en stopper les fuites. Mais, ces verres d’eau font que 50 ans après, la baignoire n’a jamais été vide. Rendez-vous pour les 100 ans de SOS Médecins ! »
Cet article clôt la chronique «Génération Juin 66 ». Retrouvez la série sur Lequotidiendumedecin.fr
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes