Ses partisans comme ses détracteurs seront au moins d'accord sur un point : c’est une réforme historique. Sur l’ouverture de l'AMP à toutes les femmes, adoptée la semaine dernière, le gouvernement s’était pourtant évertué à faire le moins de remous possible. Opération plutôt réussie, puisque si les débats ont été vifs entre progressistes et conservateurs, ils n’ont jamais atteint le tour passionnel constaté à propos du mariage pour tous. En homme avisé, Emmanuel Macron avait conditionné cette évolution au feu vert du Comité d'éthique; et on se souvient de la prudence de Sioux d’Agnès Buzyn, lâchant, presque sibylline, « la France est prête », comme si un tel changement s’imposait, de nombreux pays d’Europe étant sur ce registre plus en avance que nous. Quatre ans plus tard, on retrouve les mêmes éléments de langage dans la bouche du porte-parole du gouvernement pour saluer cet acquis. Il faut croire que le « en même temps » de Macron se décline d'ailleurs aussi sur les réformes de société, puisque le jour même de l’adoption de la loi de bioéthique - dans une interview à «Elle» -, le président taclait la proposition de loi sur l’allongement de l’accès à l’IVG d’un niet catégorique.
Il reste que l’élargissement de l’AMP à tous les couples et aux femmes célibataires est un tournant aussi attendu par les intéressées que définitif. Sur la question, la majorité et la gauche se sont opposées à une partie de la droite. Une soixantaine de députés LR et UDI viennent d'ailleurs de déposer un recours devant devant le Conseil constitutionnel. Mais c'est un baroud d’honneur. Car il est clair que, comme pour le Pacs ou le mariage pour tous, personne n’y trouverait à redire en cas d’alternance. Ces réformes-là, créatrices de droits individuels, n’autorisent pas les retours en arrière.
La PMA pour toutes va donc modifier durablement le paysage législatif. Quarante ans après le sida, elle marque une nouvelle étape dans la normalisation de l’homosexualité qui tranche avec le repli conservateur constatée en Hongrie ces derniers temps. Douze ans après le Pacs et huit ans après le mariage pour tous, c’est aussi une nouvelle conception de la famille qu’elle consacre. Enfin, quatre decennies après la naissance en France du premier bébé éprouvette, elle inaugure un rapport différent à la médecine, que l’on sollicite désormais pas uniquement pour soigner et pour guérir.
De ce point de vue, c’est quand même un peu un saut dans l’inconnu. Pas seulement parce que, parmi les opposants, certains s’interrogent encore sur le devenir des enfants à naître. Mais surtout, parce qu’on ignore si le système de soins va pouvoir répondre à la demande des femmes, en matière d'AMP ou d’autoconservation ovocytaire. La levée de l’anonymat sur les donneurs de sperme peut de surcroît avoir des conséquences aggravantes sur la pénurie de gamètes. Comme si cette réforme posait autant d'interrogations qu'elle n'apporte de réponses.
Exergue : 40 ans après la naissance du premier bébé éprouvette, l'ouverture de la PMA à toutes les femmes inaugure un rapport différent de la société à la médecine
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