Sept ans après l’affaire des centres dentaires low cost Dentexia, qui avait fait de milliers de victimes en pratiquant surfacturations, surtraitements, voire mutilations, l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, le 30 novembre une proposition de loi (PPL) visant à renforcer l'encadrement des centres de santé dentaires et ophtalmologiques. Un agrément préalable des ARS est notamment prévu, une obligation qui avait été supprimée en 2009 au moment de la loi Bachelot.
Cette PPL est une réponse concrète « aux graves manquements » de certains centres dont les pratiques « totalement déviantes » ont causé « des dommages irréversibles dans les soins prodigués aux patients, en surfacturant des soins injustifiés, voire jamais effectués », a expliqué Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales à l'origine du texte soutenu par le gouvernement et qui a été adopté avec 161 voix pour et aucune contre. Rapporteure du texte, elle a évoqué le poids financier « considérable » de ces pratiques dans les comptes la Sécurité sociale : plus de 12 millions d’euros. Selon elle, certains gestionnaires de centres ont « créé de véritables machines à cash, sans se soucier de l’éthique médicale et de la qualité de soins ».
Conditions d'ouverture durcies
Agnès Firmin Le Bodo, la ministre déléguée chargée des professions de santé, a estimé que cette proposition de loi est « importante et nécessaire ». Les dérives des années précédentes « ne sont pas acceptables » pour la ministre, car les patients « méritent d’être correctement soignés, dans de bonnes conditions, sans risque d’escroquerie financière ou de mutilation ». Selon elle, plus de 50 centres dentaires font l’objet de contrôles pour suspicion de fraudes.
À la suite du scandale Dentexia, les ordonnances de 2018 avaient déjà renforcé le contrôle des conditions d’ouverture et de fonctionnement des centres. Mais ces mesures se sont révélées insuffisantes. En octobre 2021, l’ARS de Bourgogne‑Franche‑Comté a prononcé la fermeture de deux centres Proxidentaire à la suite de la constatation de graves dérives dans les soins. Fadila Khattabi a vu à cette époque des choses « innommables », notamment « des bouches mutilées, des soins bâclés ». L’affaire Proxidentaire montre donc qu’il est « indispensable de durcir les conditions d’ouverture des centres de santé, tout en renforçant les contrôles internes », observe la rapporteuse.
Rétablissement de l’obligation d’agrément
Quand la loi entrera en vigueur, pour obtenir l'agrément, le centre devra adresser à l’ARS un dossier intégrant un projet de santé, les déclarations des liens et conflits d’intérêts de l’équipe dirigeante et les contrats liant l’organisme gestionnaire à des sociétés tierces. À noter qu’un dirigeant de centre ne pourra plus exercer ses fonctions « lorsqu’il a un intérêt, direct ou indirect avec des entreprises privées délivrant des prestations rémunérées à la structure gestionnaire ».
Provisoire, l'agrément deviendra définitif un an après l’ouverture du centre, sous réserve des résultats d’une visite de conformité. Les centres devront aussi transmettre « sans délai » à l’ARS et au conseil départemental de l’Ordre de la profession concernée les copies des diplômes et des contrats de travail. Quant aux centres existants, ils disposeront de six mois pour faire une demande d'agrément.
Sanctions renforcées
La loi obligera également les centres ayant une activité dentaire ou ophtalmologique, qui emploient « plus d’un professionnel médical », à constituer un comité médical ou un comité dentaire. Celui-ci sera responsable « de la politique d’amélioration continue de la qualité, de la pertinence et de la sécurité des soins », ainsi que de la formation continue des professionnels. Un répertoire national est aussi mis en place pour recenser les gestionnaires sanctionnés sur le plan ordinal ou pénal. Il s’agit « d’éviter toute échappatoire », selon la rapporteure qui précise que certains centres pratiquent le « nomadisme » en passant d’une région à une autre.
La loi renforce enfin les sanctions à l’égard des centres qui feront l’objet de suspensions ou de fermetures. À la suite d’une suspension d’activité ou d’une fermeture, ceux-ci pourront attendre jusqu’à huit ans pour faire une nouvelle demande d’ouverture. D’autre part, en cas de manquement à l'engagement de conformité, le montant de l’amende infligée par l’ARS pourra atteindre montant maximal de 300 000 euros au lieu 150 000 euros. Une amende qui pourra être assortie d'une astreinte journalière de 2 000 euros si le centre n’a pas fait le nécessaire, suite à sa mise en demeure pour non-conformité.
Opération conjointe d'inspection-contrôle
L'Union des centres de santé dentaires (UCSD) a salué la proposition de loi, rappelant qu'il « appelle de ses vœux la construction collective d’une nouvelle régulation visant à la fois à garantir les meilleurs standards de sécurité et de qualité pour les patients et préserver le développement d’une filière qui permet à des millions de Français d’accéder aux soins dentaires ». Dans le même temps, il a protesté contre la procédure d'agrément rétroactif des centres existants. Quant aux Chirurgiens-dentistes de France (CDF), premier syndicat des libéraux, ils se sont dits « satisfaits » de ce projet de loi et en espèrent une « adoption massive par les parlementaires ».
Le jour de l'examen de la PPL à l'Assemblée nationale, la Cnam a annoncé avoir mené une opération conjointe d'inspection-contrôle avec les services d'inspections du travail dans dix centres dentaires, « dont les données qu’elle a permis de recueillir sont actuellement en cours d’analyse ».
La proposition de loi a été transmise au Sénat qui devrait l'examiner dans les prochaines semaines.
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