FRANÇOIS HOLLANDE ne reviendra pas sur la loi HPST, réforme santé majeure du quinquennat précédent. Il conservera les ARS. Il n’abolira pas les franchises médicales. Il préservera les fondements de la médecine libérale : paiement à l’acte, liberté de prescription, libre choix du médecin par le patient. Il ne remettra pas en cause la liberté d’installation que certains caciques du PS voulaient supprimer. Néanmoins, le changement s’appliquera aussi à la santé si le président respecte ses engagements de campagne. Retour sur trois mesures fortes que François Hollande avait distillées, au fil de ses déplacements santé.
• L’encadrement des dépassements
À l’issue d’une visite à l’hôpital Robert Debré en février, le nouveau président de la République avait exprimé sa volonté de mettre un frein aux nouvelles implantations en secteur II dans les zones surdotées. Il avait également affirmé sa volonté d’« encadrer fermement par spécialité et par région » les dépassements d’honoraires, à l’issue d’une négociation, pour renforcer l’égalité d’accès aux soins. Dans nos colonnes, le socialiste a précisé ses intentions (Le Quotidien du 16 avril). « Je n’envisage pas de fermer le secteur II mais de rendre ce secteur moins attractif. Les dépassements d’honoraires sont devenus insoutenables pour les patients et conduisent à des renoncements aux soins. Ils sont un élément majeur d’inégalité entre les professionnels de santé. Je souhaite qu’ils soient encadrés. »
La question de l’espace de liberté tarifaire reste très sensible. Certains syndicats de spécialistes redoutent une attaque contre le secteur II dans les prochains mois. MG France pousse en ce sens. Le syndicat de généralistes a demandé que le parcours de soins soit désormais « garanti en tarifs remboursables » pour permettre à tous les patients d’accéder à un « avis spécialisé » sans dépassement. Le SML a prévenu qu’il refusait « tout encadrement arbitraire des honoraires ». Quant au Dr Michel Chassang, président de la CSMF, il défend « l’indispensable rapprochement entre les secteurs I et II dans le cadre d’un véritable secteur optionnel ». Les dépassements d’honoraires pèsent chaque année 2 milliards d’euros.
François Hollande n’a lui jamais caché son aversion pour le secteur optionnel. « Il n’est pas une bonne réponse, déclarait-il dans nos colonnes. Il crée un effet d’aubaine pour les petits dépassements et se désintéresse des gros dépassements. Pour les abus de l’exercice privé à l’hôpital, je rejoins les préconisations avancées par l’appel des praticiens hospitaliers du secteur public. » Le nouveau chef de l’État a promis une négociation avec les médecins. Mais la marge de manœuvre semble bien étroite.
• La généralisation du tiers payant
C’est un des jolis « coups » de la campagne santé. Cette mesure ne figurait pas dans le programme initial de François Hollande. C’est seulement le 13 mars, à l’occasion d’un déplacement dans la Drôme sur le thème des soins de premiers recours, que François Hollande est sorti du bois sur ce sujet porteur pour les patients. « Je veux réfléchir aux conditions d’une généralisation du tiers payant en soins de ville en secteur I, avait lancé François Hollande. Trop nombreux sont les Français qui renoncent aux soins, souvent parce que les délais de remboursement sont trop longs. Cette mesure supprimera l’avance de frais pour le patient et pourrait permettre de réduire les coûts de gestion des dossiers pour la Sécurité sociale ».
Un membre éminent du staff santé raconte la genèse de cette idée. « François Hollande avait annoncé dans un entretien qu’il ne supprimerait pas les franchises médicales car la France n’en a pas les moyens. Il fallait trouver une autre mesure sociale forte, une sorte de marqueur. L’idée de la généralisation du tiers payant, inspirée de MG France et du médecin référent, a été testée techniquement et politiquement (auprès de la Mutualité notamment) puis validée. De toute façon, elle était déjà dans l’air du temps ». Marisol Touraine, chargée du pôle social de François Hollande, a ensuite précisé que cette mesure s’appliquerait de manière progressive, d’abord dans le cadre de l’exercice regroupé avant extension aux médecins libéraux volontaires.
Il existe déjà diverses situations où le tiers payant est la règle : CMU-C, accidents du travail, certains actes techniques spécialisés, tiers payant social pour les bénéficiaires de l’ACS, actes particulièrement coûteux... La proposition consiste donc à avancer par étapes vers un tiers payant généralisé en ville en secteur I et, demain, d’aboutir à une dispense totale d’avance de frais (assurance-maladie obligatoire et complémentaire au gré des accords passés avec les mutuelles et assureurs). ll n’empêche que le principe du tiers payant généralisé ne fait pas l’unanimité. Nombre de médecins jugent cette mesure « idéologique » et redoutent surtout l’incapacité des caisses à gérer techniquement le remboursement.
• Hôpital : l’arrêt de la convergence tarifaire, l’évolution de la T2A
Sourire à l’hôpital, soupe à la grimace côté cliniques privées : l’élection de François Hollande est sans doute diversement appréciée au sein du secteur hospitalier. Car le candidat socialiste avait promis de faire la part belle au service public hospitalier, qu’il entend « rétablir ». En février, à la faculté de médecine de Paris Descartes, François Hollande faisait ce constat : « La tarification à l’activité a atteint ses limites ».
La T2A, qu’il qualifie d’inflationniste, est en place depuis 2002. Le nouveau chef de l’État n’entend pas revenir au système précédent (dotation globale pour l’hôpital public, objectif quantifié national pour les cliniques privées), mais il promet de réviser la T2A afin de corriger les effets pervers observés - segmentation des séjours, choix des activités rentables, course à l’activité...
Sa première décision, s’il tient parole, sera l’arrêt de la convergence tarifaire public privé. La Fédération hospitalière de France (FHF) ne manquera pas d’applaudir. « Aujourd’hui, les professionnels se demandent pourquoi ils travaillent, sinon pour produire de la T2A. Il faut redonner à l’hôpital le sens de sa mission », expose Édouard Couty. L’ancien directeur des hôpitaux, à la tête de la FHF en région Rhône-Alpes, a contribué à la réflexion du PS sur l’hôpital. C’est notamment sous son influence que le PS a fait siennes les propositions de la FHF. « L’hôpital public n’est pas une entreprise », martelait François Hollande en février, qui entend mieux rémunérer les missions de service public assumées par l’hôpital. Pour cet hospitalier, l’affaire est entendue : les enveloppes MIGAC et MERRI, que l’hôpital public récupère en quasi-totalité, et qui rémunèrent notamment les missions d’intérêt général, vont augmenter, tandis que baisseront les tarifs publics et privés finançant les séjours hospitaliers - il en existe 2 300, pour une dépense annuelle de 38,5 milliards d’euros. Les cliniques risquent d’y laisser quelques plumes, sauf à miser davantage sur des soins de qualité. « Il est temps de commencer à rémunérer les établissements de santé en tenant compte de la qualité des soins, reprend Édouard Couty. Il faut dès le départ afficher une volonté politique à ce sujet ».
François Hollande a promis de mettre fin à l’assimilation de l’hôpital avec les établissements privés.
Ira-t-il jusqu’à réserver certaines missions de service public au seul hôpital ? Les cliniques ont acquis le droit d’accueillir des internes depuis 2009. Aux yeux d’Édouard Couty, il n’est pas question de faire marche arrière, mais il s’agit de s’assurer que la formation des internes dans le privé se fait par des gens compétents. « La loi HPST a saucissonné 14 missions de service public [enseignement, recherche, urgences, etc. NDLR] et les a distribuées à tous les offreurs de soins, rappelle-t-il. Cette loi a supprimé le service public hospitalier. Une autre vision de l’hôpital existe, qui consiste à reconstruire un service public hospitalier moderne et adapté aux nouvelles exigences. C’est un grand chantier à ouvrirrapidement ».
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