LE SOUFFLÉ n’est toujours pas retombé. La programmation pour 2017, dans le cadre de la stratégie nationale de santé, du tiers payant intégral en ville généralisé à tous les patients continue de faire des vagues dans la profession, provoquant depuis une semaine des centaines de commentaires inquiets sur notre site.
Le week-end dernier à Lille, lors de l’Université d’été de la CSMF, ce débat a encore agité les médecins confédérés, dans le sillage des vives réserves formulées d’emblée par le président Michel Chassang (risque de construire une « usine à gaz », effet inflationniste de la dispense d’avance des frais).
La garantie d’être payé ?
Invitée du syndicat, Marisol Touraine a balayé les critiques. « Je suis convaincue qu’il s’agit d’une avancée majeure pour les patients », a-t-elle plaidé à propos de la dispense d’avance des frais, provoquant quelques sifflets des quelque 220 cadres de la CSMF. Aux médecins, elle a promis « évidemment un système simple et fiable avec la garantie d’être payé ». Et comme la plupart des avocats du tiers payant, la ministre affirme qu’« à partir du moment où le système fonctionne dans les pharmacies », il doit pouvoir s’appliquer en médecine libérale, invitant les médecins à regarder ce qui se fait à l’étranger (Allemagne, Japon, Pays-Bas...).
Pas si simple. À Lille, un atelier de la CSMF initialement programmé sur le parcours de soins numérique s’est transformé en débat tonique sur le tiers payant, actualité oblige. Philippe Ulmann, directeur de l’offre de soins à la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) s’est employé à rassurer la profession sur le plan opérationnel, sans commenter l’effet d’annonce politique. « Pour la part obligatoire, le tiers payant ne pose pas d’obstacle technique particulier dans la perspective d’une généralisation, a-t-il assuré. On sait faire. Le tiers payant intégral (AMO+AMC) existe aussi depuis des années pour certains patients [CMU, CMU-C, AME, la prochaine étape concernant les bénéficiaires de l’ACS]. Mais la question de la généralisation suppose que les complémentaires s’organisent pour que le système soit le plus simple possible au quotidien ».
Pas de base unique.
De fait, il n’existe à l’heure actuelle aucune base nationale de référence intégrant la totalité des contrats complémentaires de l’ensemble des patients. Le tiers payant intégral généralisé pose la question du contrôle en ligne des droits et du rôle précis du médecin sur ce point. « La gestion des complémentaires, c’est un casse tête sans nom », témoigne le Dr Jacques Niney, président de la Fédération nationale des médecins radiologues. Les questions des médecins fusent : quid des mutuelles étudiantes, des mutuelles délégataires, des autres régimes, des actes techniques, de la gestion des franchises, des dizaines de cas particuliers... Et surtout, quelle sera la garantie de paiement ?
Un médecin de la Réunion, où le tiers payant intégral est déjà la règle, témoigne, ironique. « La difficulté, c’est de vérifier les droits. Ça suppose une secrétaire très efficace et bien payée ». Un autre praticien va plus loin. « Le tiers payant, c’est du temps incompressible pour le professionnel, ça mérite une rémunération spécifique ». Certains citent les centres de santé dont la gestion du tiers payant est estimée à 3,5 euros par consultation...
Couple à quatre.
Techniquement, selon les experts, trois grandes options sont possibles pour la gestion du tiers payant intégral : un éclatement à la source des feuilles de soins électroniques (part obligatoire, part complémentaire); un flux unique géré par un concentrateur (modèle des pharmaciens, jugé très efficace) ; un paiement intégral par le seul régime obligatoire qui se charge ensuite de se faire rembourser la part complémentaire (utilisation des normes Noémie). Mais « quel que soit le système retenu, le médecin aura des choses à faire », prévient Philippe Ulmann, en particulier en matière de vérification des droits. Les éditeurs se préparent au chantier de l’extension du tiers payant mais attendent un cahier des charges clair.
Les médecins semblent disposés à un tiers payant sur la base du volontariat, selon l’appréciation du médecin. « Le tiers payant social, on le fait déjà. On fait aussi du tiers payant en chèque différé... Mais nous voulons aussi garder une liberté de choix », résume le Dr Gérald Galliot, généraliste en Eure-et-Loir.
L’intervention d’un psychiatre provoque l’hilarité générale. « Dans un couple à trois [assurés, médecins, Sécu], il y a déjà de la douleur quelque part. Alors un ménage à quatre, avec les complémentaires, vous imaginez... ».
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