L’EXERCICE était délicat pour la ministre socialiste. Dans une période riche en annonces (tiers payant généralisé, nouveaux parcours de soins, perspective d’accords régionaux…), les médecins confédérés réclamaient de garanties sur le maintien de la médecine libérale, redoutant une dérive dirigiste sous couvert de nouvelle stratégie de santé. Relayant le trouble des troupes, le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, a prévenu Marisol Touraine. « Vous avez devant vous des médecins très inquiets. Nous défendons notre liberté d’entreprendre et d’installation, le libre choix, la liberté de prescription », a-t-il égrené, soulignant l’autonomie de la CSMF « à l’heure où certains constituent des fronts politisés ».
Le leader confédéral a listé les menaces potentielles : l’élargissement des pouvoirs des ARS, le « spectre » des objectifs régionaux de dépenses, des rémunérations sortant du champ conventionnel, la marginalisation des spécialistes, bref un « danger d’étatisation » qui évoque le « funeste épisode » de la loi HPST ! Sans oublier la « réforme de l’hôpital qui s’éloigne une fois de plus ». Difficile d’être plus clair même si, concède le Dr Chassang, « la méthode est différente » (de celle de Roselyne Bachelot) car « avec vous le dialogue est possible ».
Être payés en totalité.
À Lille, le message confédéral fut donc simple : il est urgent de miser sur la médecine de ville et de recentrer l’hôpital sur son cœur de métier, en développant les alternatives à l’hospitalisation, les retours précoces à domicile ou la chirurgie ambulatoire… Au passage, le patron de la CSMF a vivement déploré les énièmes décotes tarifaires du PLFSS (radiologues, biologistes), même négociées avec la profession.
Le tiers payant intégral et généralisé est un autre point de tension. Il faudrait d’abord « résoudre les problèmes pratiques et techniques, s’est agacé Michel Chassang. Nous voulons des garanties que les médecins seront payés sans retard et en totalité », a-t-il martelé sous les applaudissements. La convention ? Depuis l’avenant 8, « il ne se passe plus rien », a-t-il regretté, citant la CCAM clinique, l’extension de la rémunération sur objectifs ou l’actualisation des actes techniques.
Virage ambulatoire.
Marisol Touraine s’est employée à répondre point par point à ses détracteurs, sans forcément parvenir à dissiper les doutes. Non, a-t-elle assuré, la bureaucratisation du système de soins n’est pas en marche. Hostile aux méthodes « brutales », elle continuera de privilégier la négociation et le compromis avec la profession. Elle donne consigne aux ARS d’« écouter le terrain » dans l’adaptation régionale de la politique de santé et promet de relancer la simplification afin de diminuer les « lourdeurs administratives ». Elle confirme le « virage ambulatoire » du système de santé (lire aussi page 3), reposant sur la prévention, le rôle accru du médecin traitant et des équipes de proximité éligibles aux nouveaux modes de rémunération.
Pressée par la CSMF de concrétiser le nouveau contrat d’accès aux soins (CAS), signé par plus de 8 000 médecins éligibles, dont le coup d’envoi est attendu au 1er octobre, Marisol Touraine a affiché sa détermination à « lancer la phase opérationnelle ». Habile, elle a jeté une pierre dans le jardin de certaines associations de consommateurs qui, comme Que-Choisir la semaine dernière, font des « coups médiatiques pas toujours véridiques » en stigmatisant les dépassements d’honoraires avec des chiffres contestables.
Le partenariat CNAM/médecins devra néanmoins évoluer. Il faudra « rénover l’organisation de la négociation conventionnelle », a-t-elle annoncé, en construisant un cadre plus souple qui autorise des marges de manœuvre régionales. Sur la programmation du tiers payant généralisé, Marisol Touraine s’est montrée très ferme, citant les exemples étrangers et récusant tout effet inflationniste…
Fine politique, la ministre a salué en Michel Chassang, qui quittera la présidence de la CSMF l’an prochain, une « grande figure du syndicalisme médical, un acteur majeur présent sur tous les fronts ». Pas certain que ce vibrant hommage au leader ait suffi à rassurer ses troupes.
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