Pour le Pr Emmanuel Grimprel, chef du service de pédiatrie générale de l’hôpital Trousseau à Paris, il est encore un peu tôt pour tirer un bilan définitif de l’extension de l’obligation vaccinale entrée en vigueur le 1er janvier dernier, à l’issue d’un débat long et parfois houleux. « Mais, pour l’instant, tout semble indiquer qu’elle s’est mise en place dans un climat de sérénité, se félicite-t-il. Notre ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a pris une décision politique courageuse, qui, dans le contexte, était la meilleure possible pour rétablir la confiance et surtout relever nos taux de couverture vaccinale, largement insuffisants sur certaines valences, en particulier la rougeole. »
Le pédiatre reconnaît que le débat a été âpre ces dernières années sur la vaccination, même s’il y avait « un large consensus pour estimer que la situation de la France, avec trois vaccins obligatoires et huit recommandés, n’était plus tenable. Peut-être que la solution idéale aurait été de supprimer toute obligation vaccinale, comme l’ont fait d’autres pays depuis longtemps. Mais c’était impossible compte tenu de la forte défiance antivaccinale relayée par les médias et surtout les réseaux sociaux. L’extension transitoire était la seule issue possible, et d’ailleurs elle a été saluée par la quasi-totalité des sociétés savantes et des syndicats médicaux ».
Pas de fronde
Dix mois plus tard, « cela a l’air de plutôt bien se passer. Les médias n’ont pas rapporté de situation de fronde dans les cabinets médicaux ni de refus massifs d’inscription d’enfants dans les structures collectives. Contrairement à ce que prédisaient certaines voix très isolées, il ne semble pas que cela ait exacerbé la défiance envers les vaccins ni compliqué la vaccination dans les cabinets de pédiatrie ou de médecine générale », affirme le Pr Grimprel, en évoquant une enquête menée par InfoVac présentée mi-octobre aux Journées de pathologie infectieuse pédiatrique ambulatoire. Au total, 349 pédiatres et 329 généralistes ont répondu à cette enquête sur l’impact de l’extension de l’obligation vaccinale.
Premier constat : 59 % des pédiatres et 39 % des généralistes estiment que cette mesure a facilité la vaccination dans leur cabinet, 2,4 et 5,8 % qu’elle l’a compliquée, 37 et 54 % qu’elle n’a rien changé. D’autre part, 24 % des pédiatres et 33 % des généralistes affirment que les parents posent plus de questions, 34 et 16 % qu’ils en posent moins, 38 et 48 % que rien n’a changé à ce niveau.
Les parents hésitants sont-ils plus faciles à convaincre ? 53 % des pédiatres et 43 % des généralistes répondent par l’affirmative, 5,5 et 8 % par la négative, 36 et 43 % qu’ils n’ont pas constaté de changement.
« Ce sont des résultats vraiment intéressants, car ils montrent que cette extension n’a pas bouleversé les pratiques dans les cabinets médicaux, ni renforcé les inquiétudes ou la défiance des parents, au contraire, souligne le Pr Grimprel. Lorsqu’on prend le temps de poser le débat avec des arguments solides, on finit par convaincre, et on lutte avec plus d’efficacité contre la désinformation, très active sur la vaccination sur Internet et ailleurs. »
Entretien avec le Pr Emmanuel Grimprel, chef du service de pédiatrie générale de l’hôpital Trousseau à Paris. Le Pr Grimprel est aussi membre de la commission technique des vaccinations (CTV), mais il précise qu’il s’exprime ici à titre personnel
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