« Promue par l'Inserm, la nouvelle cohorte COBRA, que nous venons de décrire dans l'European Respiratory Journal, comporte 1 080 adultes asthmatiques de toute sévérité (dont environ 60 % ayant un asthme sévère), explique la Dr Pretolani (université Paris Diderot, Paris), autrice principale de l'étude. Le recrutement est multicentrique, et implique 12 centres hospitalo-universitaires français. Bien que, dans notre publication, les données soient issues de patients inclus entre 2007 et 2015, à ce jour le recrutement se poursuit, avec désormais 1 300 patients. Notre objectif est d’en inclure 2 000 d'ici à 2021. Le suivi étant prévu pendant dix ans, nous clôturerons cette cohorte en mai 2031 ».
Comparativement à d’autres cohortes internationales, COBRA présente plusieurs intérêts : son nombre élevé de patients, la proportion importante ayant un asthme sévère et leur suivi longitudinal sur 10 ans. « Ce dernier aspect est particulièrement intéressant, poursuit-elle, lorsqu’on considère l’impact de la modification de différents facteurs personnels (âge, modifications du statut hormonal chez les femmes), cliniques (déclin de la fonction respiratoire) et environnementaux (tabagisme, changements du mode de vie, comorbidités), sur l’évolution de l’asthme ».
« Cette cohorte est finalement très complète, car elle allie de nombreuses données cliniques – avec une visite programmée à l’inclusion et en moyenne tous les six mois, pendant cinq ans et une fois par an entre six et dix ans – et des prélèvements sanguins, notamment de l’ADN et du sérum, dont le stockage et la traçabilité sont assurés par le centre de ressources biologiques (CRB) du CHU Bichat-Claude Bernard, explique la Dr Pretolani. Certains centres appartenant au consortium COBRA effectuent également des prélèvements bronchiques (biopsies, expectorations induites, lavages bronchoalvéolaires), qui permettent de réaliser des analyses biologiques et histopathologiques, au siège même de l’atteinte tissulaire caractéristique de l’asthme. « Ainsi, par exemple, l’Inserm UMR1152 et le CHU Bichat possèdent une biobanque contenant environ 200 prélèvements bronchiques réalisés dans le cadre de l'étude COBRA », précise-t-elle.
Caractérisation de l'éosinophilie
Outre de nombreux paramètres démographiques, cliniques, liés aux traitements et à l’aspect atopique, avec une douzaine d'allergènes testés, cette cohorte a permis de s’intéresser à l’évolution du nombre d'éosinophiles circulants chez les asthmatiques sévères. « Ce choix a été motivé par le fait que les patients avec une éosinophilie sanguine élevée (> 300/mm3) sont en première ligne pour bénéficier de nouvelles biothérapies – en particulier à base d’anticorps monoclonaux anti-IL 5 – et que le taux d’éosinophiles circulants est significativement associé au nombre d’exacerbations, explique la Dr Pretolani. L’étude réalisée a montré que, chez environ 70 % d’asthmatiques sévères, le taux d’éosinophiles circulants reste stable dans le temps (attesté par trois mesures sur deux ans), soulignant la fiabilité de cet indicateur pour sélectionner les patients potentiellement répondeurs à des biothérapies ciblant ces cellules. Nous avons enfin montré que le traitement des asthmatiques sévères, avec des corticoïdes oraux au long cours, diminue le nombre d’éosinophiles circulants de façon dépendant de la dose utilisée, une donnée qui doit être prise en compte lors de la sélection des patients susceptibles de bénéficier d’une biothérapie visant à réduire l’hyperéosinophilie ».
À la recherche de nouveaux biomarqueurs
Si l'hyperéosinophilie sanguine et des voies aériennes représente un facteur pathogénique et aggravant l’asthme sévère dans environ 50 % des cas, d’autres altérations inflammatoires (augmentation du nombre de neutrophiles, et/ou de populations spécifiques de lymphocytes T), ou de la structure de la paroi bronchique (augmentation du muscle lisse, fibrose sous-épithéliale) sont prédominantes. De ce fait, les biothérapies ciblant notamment les éosinophiles, sont peu ou pas efficaces chez ces patients. « Un des enjeux majeurs actuels est donc de mieux caractériser du point de vue physiopathologique les différents sous-types d'asthme sévères afin d’identifier des biomarqueurs diagnostiques et pronostiques pouvant représenter de nouvelles cibles thérapeutiques. Une façon d’atteindre cet objectif est d’utiliser des approches dites ouvertes, qui visent à tester l’expression de très nombreux facteurs pathogéniques, à la fois dans le sérum, mais également dans les prélèvements bronchiques de patients, car, si le sérum représente une voie d’accès privilégiée et non invasive pour étudier l’expression de nouveaux biomarqueurs, leur validation au niveau du territoire bronchique reste essentielle ».
Développement de nouvelles molécules
L’objectif initial de la description de la cohorte COBRA a été de caractériser de façon exhaustive les patients sur le plan démographique, clinique et des facteurs de risque participant à la survenue et l’aggravation de l’asthme. Ces données, publiées récemment, confirment et élargissent celles déjà décrites dans d’autres cohortes internationales avec des effectifs plus limités. « Cependant, le suivi longitudinal des patients au sein de la cohorte COBRA permet également de déterminer la durée du bénéfice clinique des traitements, notamment des nouvelles biothérapies, dont certaines peuvent se révéler initialement efficaces, avant qu'un échappement ne se produise, explique la Dr Pretolani. Le suivi des patients pendant dix ans offre donc l'opportunité de comprendre les raisons de cette perte d’efficacité et de les orienter vers d’autres options thérapeutiques ». Pour toutes ces raisons, celle-ci estime que cette cohorte de patients parfaitement caractérisés sur le plan clinique, est susceptible d'intéresser les chercheurs et les industriels qui souhaitent avancer dans la compréhension des mécanismes impliqués dans la survenue et la progression de l’asthme, notamment dans sa forme sévère, dans l’identification de biomarqueurs pronostiques et dans l’étude de l’efficacité de nouveaux traitements.
D’après une interview de la Dr Marina Pretolani, directrice de l’Inserm UMR1152, « Physiopathologie et Épidémiologie des Maladies Respiratoires ». Université Paris Diderot, site Bichat de la faculté de médecine (Paris)
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