L’apabétalone, un médicament agissant sur la dysrégulation épigénétique qui est évalué en phase 3 dans la maladie cardiovasculaire, pourrait-elle être prometteuse pour traiter le Covid-19 ? Deux études précliniques ont montré une action antivirale et anti-inflammatoire dans des cultures de cellules pulmonaires et cardiaques.
« Le double mécanisme d’action de l’apabétalone offre la possibilité de traiter à la fois la phase virale et l’orage cytokinique de l’infection par le SARS-CoV-2, précise au « Quotidien » la Dr Ewelina Kulikowski, vice-présidente de recherche et de développement chez Resverlogix, société canadienne de biotechnologie (Calgary) qui développe la molécule. En outre, l’apabétalone ne coûtera que quelques dollars par comprimé ».
L’apabétalone, un inhibiteur de protéines BET sélectif du bromodomaine 2 d’une BET appelée BRD4, a le profil d’un « épimédicament » prometteur. Les protéines BET sont des lecteurs épigénétiques qui modulent l’expression des gènes (via la fixation de leurs bromodomaines aux histones). Les mécanismes épigénétiques (méthylation de l’ADN, modification des histones…) peuvent en effet être altérés dans de nombreuses maladies (neurodégénératives, cardiovasculaires, cancers…). Des médicaments visant à corriger ces altérations épigénétiques sont en développement, et l’apabétalone pourrait se révéler bénéfique dans différentes maladies.
Diminution de l’expression d’ACE2
Deux études précliniques suggèrent un potentiel prometteur en traitement du Covid-19. Dans une étude in vitro (1), l’équipe de la Dr Dalia El Gamal du centre médical de l’Université du Nebraska, en collaboration avec Resverlogix, a démontré que l’apabétalone diminue l’expression d’ACE2 et du cofacteur DPP4/CD26 au niveau des cellules épithéliales de poumon, mais aussi du rein et du foie, réduisant la fixation de la protéine Spike du virus. L’apabétalone diminue ainsi l’infection SARS-CoV-2 dans les cellules pulmonaires, avec une efficacité antivirale similaire à celle du remdesevir et du camostat.
Dans une étude publiée dans « Cell » (2), une équipe australienne a cherché à identifier des mécanismes et des médicaments cardioprotecteurs dans le Covid-19 puisque 20 à 30 % des patients infectés hospitalisés développent une dysfonction et des lésions cardiaques. Ils ont utilisé une approche de pointe faisant appel à des organoïdes cardiaques (dérivés de cellules souches pluripotentes humaines) ainsi que des techniques de séquençage ARN et de protéomique. Des expérimentations ont également été menées chez la souris.
Prévention de la dysfonction cardiaque
Les chercheurs ont constaté qu’un orage cytokinique (interféron γ, interleukine 1β, poly I-C) provoquait une dysfonction cardiaque diastolique, au cours de laquelle la protéine BRD4 est activée. L’équipe a ensuite montré dans un organoïde humain exposé au sérum de patient infecté qu’une inhibition des protéines BET, notamment par apabétalone, permet de diminuer l’inflammation et de prévenir la dysfonction cardiaque. L’observation a été reproduite dans un modèle de souris : la molécule a permis d’éviter complètement la dysfonction cardiaque et le décès par orage cytokinique.
« Non seulement le traitement par apabétalone réduit l’infection par le SARS-CoV-2 dans les cardiomyocytes, mais il prévient également le dysfonctionnement cardiaque provoqué par l’orage cytokinique. Ces résultats mettent en évidence le double mode d’action de l’apabétalone en tant que potentiel traitement pour le Covid-19 », souligne Donald McCaffrey, co-fondateur et directeur de Resverlogix.
Un protocole d’étude serait en cours d’évaluation par les autorités réglementaires au Canada et aux États-Unis, selon le Dr Michael Sweeney de Resverlogix. « L’étude devrait débuter fin avril/début mai chez des patients hospitalisés pour Covid-19 sévère avec infiltrats pulmonaires bilatéraux et SpO2 < 94 %, a-t-il précisé au « Quotidien ». Les résultats sont attendus fin 2021. Les essais suivants, déjà planifiés, évalueront une intervention plus précoce afin de réduire l’hospitalisation ».
(1) D. Gilham et al., Biorxiv, 2021. doi: 10.1101/2021.03.10.432949
(2) R. J. Mills et al., Cell, 2021. doi: 10.1016/j.cell.2021.03.026
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