La richesse des thématiques de la discipline fait la force de la recherche mais aussi sa faiblesse en matière de visibilité. De nombreuses équipes effectuent des recherches sur la peau ou sur des mécanismes qui la touchent, mais elles sont en général intégrées dans des laboratoires multithématiques. Les laboratoires ayant une spécificité de dermatologie sont exceptionnels : c’était le cas du laboratoire de recherche en dermatologie de Jean Thivolet à Lyon, et actuellement du centre de biologie cutanée de l’hôpital Saint-Louis à Paris… Ailleurs, le risque est l’éparpillement des forces : diversité de lieux, de financements, d’organisation…
Dans l’état actuel des choses, l’idéal pour le chercheur en dermatologie est de pouvoir intégrer une équipe structurée dans un Établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) comme l’INSERM ou le CNRS -à l’instar du Pr Delphine Staumont-Sallé dans l’U1011 INSERM à l’Institut Pasteur de Lille - afin de profiter d’un environnement scientifique et d’une plateforme technique de qualité et d’apporter à l’équipe une plus-value dermatologique tout en gardant son identité thématique.
La nécessaire recherche spécifique en dermatologie
Promouvoir une recherche spécifique en dermatologie est important. La peau a de nombreux points communs avec d’autres organes. Des avancées fondamentales qui au départ ne concernaient que la peau (barrière cutanée, génétique, processus cancéreux) ont ainsi été à l’origine de découvertes importantes dans d’autres spécialités.
Or la France a des atouts majeurs pour développer une recherche spécifique en dermatologie : des leaders reconnus à l’échelle internationale dans divers domaines de la dermatologie (immunologie, psoriasis, dermatoses bulleuses, centres de référence de maladies rares…) ; la participation des services de dermatologie à de grands essais cliniques nationaux et internationaux ; des services d’hospitalisation spécifiquement dédiés à la dermatologie (à la différence de nombreux pays anglo-saxons et d’Amérique du Nord).
Ainsi, la création de plus de laboratoires de recherche spécifiques à la thématique peau, travaillant de façon transversale avec la clinique, et permettant de passer rapidement du lit du malade à la paillasse, est une étape essentielle pour créer des pôles d’excellence visibles et compétitifs.
De nombreux défis
S’organiser, devenir plus attractifs pour les chercheurs et les étudiants, est plus que jamais d’actualité. La Société française de dermatologie (SFD), la Société de recherche en dermatologie (SRD) et le Collège des enseignants de dermatologie (CED) sont présents pour structurer et promouvoir la recherche clinique et fondamentale via des sites internet, des bourses et des congrès comme le Congrès annuel de recherche en dermatologie (CARD) auquel les cliniciens devraient participer en plus grand nombre.
L’enseignement est un point clé de la dynamique de la recherche en dermatologie. Au CHRU de Lille où le Pr Delphine Staumont-Sallé est enseignante-chercheuse, le ratio enseignant-chercheur/étudiant est l’un des plus bas de France. Difficile dans ces conditions de convaincre les étudiants d’entreprendre un master ou une thèse de science, et de les encadrer. Remédier au sous-effectif d’enseignants chercheurs universitaires et augmenter le nombre de chercheurs statutaires des EPST dans la thématique dermatologique où ils sont trop peu nombreux est indispensable.
Les institutions doivent aider la recherche en dermatologie. Pourquoi l’Agence nationale de recherche ne propose-t-elle pas actuellement d’appels d’offres spécifiques en dermatologie comme elle le fait dans d’autres disciplines ? Il n’est pas toujours facile de savoir à quel appel d’offres proposer un projet dédié à la dermatologie…
La multidisciplinarité de la dermatologie est un atout à exploiter : renforcer les partenariats avec les chercheurs des établissements publics (CNRS, INSERM, Universités) et privés, créer des réseaux, devrait permettre de trouver des solutions pour soutenir des laboratoires de recherche. D’autant que la dermatologie a la chance d’avoir des partenaires industriels forts (dermocosmétique, biomédicaments) avec lesquels il est possible d’établir des contrats sur des bases saines et pérennes.
Dermatologues chercheurs et cliniciens, institutions publiques, partenaires privés doivent relever les défis pour dynamiser la recherche en dermatologie.
D’après un entretien avec le Pr Delphine Staumont-Sallé, CHRU de Lille.
Le Pr Delphine Staumont-Sallé déclare n’avoir aucun lien d’intérêt dans le cadre de cet article.
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