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Dossier

Neurologie

Des pistes innovantes pour freiner la maladie de Parkinson

Par Charlène Catalifaud et Damien Coulomb et Dr Irène Drogou - Publié le 23/04/2021
Des pistes innovantes pour freiner la maladie de Parkinson

Une dégénérescence des neurones dopaminergiques de la substance noire caractérise la maladie
Phanie

De l’immunothérapie à la recherche de biomarqueurs, les recherches foisonnent dans la maladie de Parkinson pour améliorer la prise en charge des patients.

Si, ces dernières années, les patients atteints de la maladie de Parkinson n’ont pas bénéficié d’avancée marquante, la recherche n’en est pas moins active, en particulier en France. Des pistes encourageantes se dégagent, et de nombreuses approches thérapeutiques sont en développement, avec l’espoir de parvenir enfin à freiner l’évolution de la maladie.

La maladie de Parkinson est caractérisée par la dégénérescence des neurones dopaminergiques au niveau de la substance noire du cerveau. La découverte de la lévodopa dans les années 1960 puis celle de la stimulation cérébrale profonde par les Prs Alim-Louis Benabid et Pierre Pollak dans les années 1990 ont révolutionné la prise en charge des patients. Néanmoins, aucune approche thérapeutique ne permet actuellement d’agir sur le processus dégénératif. C’est tout l’enjeu de la neuroprotection. « L’espoir est de freiner la perte des neurones dopaminergiques mais aussi d’empêcher la diffusion cérébrale de la maladie responsable de la survenue des symptômes tardifs comme les troubles de l’équilibre et les troubles cognitifs et contre lesquels les traitements sont peu efficaces », indique le Pr Philippe Damier, neurologue au CHU de Nantes et président du Comité scientifique de l’association France Parkinson.

« Pour que les traitements neuroprotecteurs soient efficaces, il est important d’intervenir précocement dans la maladie, voire avant l’apparition des signes moteurs », ajoute le Pr Jean-Philippe Azulay, chef du service de neurologie et pathologie du mouvement à l’AP-HM et responsable du Centre de coordination­ interrégionaĺ pour la maladie de Parkinson.

La piste des anticorps monoclonaux

Parmi les pistes de neuroprotection les plus prometteuses : l’immunothérapie passive, avec des anticorps monoclonaux dirigés contre l’α-synucléine (protéine dont l’accumulation anormale joue un rôle dans le développement de la maladie). Une étude de phase 3 évaluant le prasinezumab va être lancée par Roche en mai. Elle succède à l’étude de phase 2 Pasadena, dans laquelle le critère principal n’a pourtant pas été atteint. « Il reposait sur un score composite combinant notamment des évaluations motrices et non motrices, et qui est donc difficilement atteignable pour une maladie qui évolue très lentement, relève le neurologue marseillais. En revanche, tous les scores purement moteurs ont été significativement ralentis dans le groupe traité ».
Quant à l’immunothérapie active, qui consiste à vacciner les patients avec un fragment de protéine α-synucléine, l’approche est aujourd’hui moins avancée. « Une phase 1 est en cours », précise le Pr Damier.

Au centre hospitalier de Lille, le Pr David Devos a coordonné Fair-Park I, une étude pilote portant sur le chélateur de fer, le défériprone, alors que la maladie de Parkinson se caractérise par une surcharge en fer dans le cerveau. Les bons résultats ont conduit à l’étude européenne Fair-Park II de plus grande ampleur, sur cinq ans. Les résultats sont en cours d’analyse.

Un premier patient a par ailleurs été opéré le 24 mars dernier dans le cadre du projet Near Infra Red (NIR) mené par le CEA et piloté par l’équipe du Pr Benabid à Grenoble. Cet essai vise à évaluer l’intérêt de la neuro-illumination proche de l’infrarouge pour ralentir l’évolution de la maladie (cf page 13).

D’autres approches ne relevant pas de la neuroprotection sont aussi à l’étude. La thérapie génique est ainsi envisagée, comme en témoigne un essai français de phase 1 qui devrait débuter prochainement. Il porte sur le vecteur de nouvelle génération OXB-102, qui devrait permettre de restaurer les niveaux de dopamine dans le cerveau (cf page 12).

Des repositionnements de molécules sont aussi testés. En France, l’étude LixiPark menée à Toulouse par le Pr Olivier Rascol évalue l’antidiabétique lixisénatide et l’étude Curepark, dont le Pr Damier est l’investigateur principal, le diurétique bumétanide.

Recherche de biomarqueurs

Alors que la maladie de Parkinson est très hétérogène d’un patient à l’autre, l’identification de marqueurs génétiques est essentielle pour tendre vers une médecine personnalisée. « Grâce aux marqueurs déjà identifiés, et notamment les gènes de prédisposition à la maladie, des essais sur des thérapies ciblées devraient être lancés dans moins d’un an, avance le Pr Azulay. Un programme devrait notamment concerner des modificateurs de l’expression du gène LRRK2, très fréquent dans la maladie ».

Le projet Precise-PD 2019-2024, coordonné par le Pr Jean-Christophe Corvol (Paris), vise à quant à lui à accélérer l’identification de biomarqueurs pronostiques et prédictifs de la réponse au traitement à partir des données issues d’une grande cohorte française construite par le réseau NS-Park, rapporte le Pr Damier.

Du côté de la stimulation cérébrale profonde, les neurostimulateurs se perfectionnent, comme celui de Percept PC de Medtronic. Avec ce système, « l’analyse du signal électrophysiologique dans le noyau sous-thalamique déclenche l’enregistrement de signaux intracérébraux en cas de symptômes », explique le Pr Azulay (cf page 13).

Et pour les patients pour qui la stimulation cérébrale profonde est contre-indiquée, « l’application focalisée d’ultrasons sous repérage IRM se développe sur le modèle de la radiothérapie par Gamma Knife qui permet une destruction ciblée au niveau du noyau thalamique pour contrôler les tremblements », détaille le neurologue nantais.

Mais pour envisager la totale guérison des patients parkinsoniens, le Graal à atteindre repose sur les cellules souches, selon le Pr Azulay : « on serait alors dans la médecine réparatrice, en remplaçant les cellules qui dégénèrent, mais je n’ai pas connaissance d’application à venir chez l’homme pour l’instant ».

 

Charlène Catalifaud