Étant donné la résistance croissante des bactéries aux antibiotiques, des approches alternatives se développent pour traiter les infections bactériennes.
Renforcer l’immunité innée, la première ligne de défense, rapide et non spécifique, contre les infections microbiennes, représente une option prometteuse. Cependant, l’immunité innée repose sur une réaction inflammatoire qui occasionne souvent des lésions tissulaires collatérales. Serait-il possible de développer une approche sélective, favorisant uniquement la « bonne » inflammation tout en évitant les effets néfastes ?
Des facteurs de transcription
Une équipe suédoise, dirigée par le Pr Catharina Svanborg, immunologue à l’université de Lund, s’est intéressée aux infections des voies urinaires par les souches uropathogènes d’Escherichia coli, et notamment à la pyélonéphrite aiguë (PNA), qui peut évoluer vers des formes sévères et chroniques, voire fatales. Leurs travaux sont publiés dans la revue « Science Translational Medicine ».
Deux facteurs régulateurs de l’interféron, IRF-3 et IRF-7, contrôlent des aspects essentiels de l’immunité innée. Ces facteurs de transcription jouent un role clé dans la résistance aux infections virales, en régulant la réponse de l’interféron type I.
L’équipe du Pr Catharina Svanborg avait récemment identifié l’IFR-3 comme étant un régulateur central de la défense immunitaire innée protectrice contre la PNA. Privées d’IRF-3, les souris (Irf3 -/-) développent une PNA sévère avec abcès rénaux, en raison d’une inflammation exacerbée. De même, les enfants portant des variants génétiques abaissant l’IFR-3 sont predisposés aux PNA récidivantes.
Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont découvert avec surprise que les facteurs IRF-3 et IRF-7 ont des effets opposés sur la réponse immunitaire innée contre E. coli uropathogène. Les souris privées d’IRF-7 éliminent rapidement les souches E. coli pathogènes, sans signe de dégât tissulaire et présentent une réponse inflammatoire des neutrophiles qui s’atténue dès le 3e jour, contrairement aux souris privées d’IRF-3.
Chez les souris privées d’IFR-3 et développant une PNA, les chercheurs ont identifié tout un réseau de gènes activés par l’IFR-7, absent chez les souris privées d’IFR-7.
De plus, ils ont identifié chez les enfants des variants abaissant l’IRF-7 qui confèrent une protection contre la PNA et sa récidive.
Enfin, chez des souris privées d’IFR-3, un traitement inhibant l’IRF-7 supprime l’expression muqueuse d’IFR-7 et protège les souris de l’infection rénale et des lésions tissulaires. Ce traitement a consisté à administrer des liposomes contenant un petit ARN interférant avec l’IRF-7 (siRNA Irf7) par voie IV et voie intravésicale, 3 jours avant et le jour même de l’infection à E. coli.
L'étude montre ainsi qu'une réponse immunitaire innée, efficace et limitée, vis-à-vis d’une infection bactérienne repose sur un étroit équilibre entre IRF-3 et IRF-7.
Une cible thérapeutique
« Cette étude permet de répondre à la question classique, mais jusqu’ici non résolue, de (pouvoir séparer) l’inflammation bénéfique et néfaste ; elle identifie l’IRF-7 comme étant une cible thérapeutique pour protéger contre l’infection bactérienne », notent les auteurs. Il est probable que l’inhibition d’IRF-7 puisse prévenir et traiter d’autres infections bactériennes des muqueuses. L’inhibition d’IRF-7 devrait être courte pour éviter le risque d’infection virale.
Il reste maintenant à développer des inhibiteurs spécifiques de l’IRF-7. Des essais cliniques de phase 1 ont déjà montré la possibilité d’utiliser des thérapies par ARN interférant dans d’autres affections (amyloïdoses familiales, hémophilie et hépatite C).
Les enfants et adultes porteurs de variants IRF-3 prédisposant à la PNA pourraient être ciblés par cette approche non-antibiotique.
Science Translational Medicine, 27 avril 2016, Puthia et coll.
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