En proposant une prophylaxie post-exposition (PPE) de doxycycline aux populations à risque fréquentant les consultations PrEP, destinées à réduire le risque d'infection par le VIH, il est également possible de diminuer très significativement l'incidence des infections sexuellement transmissibles (IST).
Cette conclusion s'impose après les résultats présentés par le Pr Jean Michel Molina, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Saint-Louis (AP-HP) lors de la conférence annuelle sur les rétrovirus et les infections opportunistes qui se tient à Seattle. « Avec l'essai ANRS IPERGAY, qui a démontré l'intérêt de la PrEP en prévention de l’infection VIH, nous sommes amenés à suivre un public ayant des pratiques sexuelles exposant à un fort risque de contracter des IST et que nous voyons tous les 2 à 3 mois, explique le Pr Molina. Nous avions donc une occasion unique de tester l'intérêt d'une PPE pour réduire l’incidence des IST dans cette population. »
L'équipe du Pr Molina a choisi la doxycycline car, si les gonocoques y sont déjà largement résistants, ce n'est pas le cas du tréponème pâle et des chlamydiae. La PPE expérimentée dans les services de maladies infectieuses participant à cette nouvelle étude cible donc la syphilis et l'infection à clamydia. L'infection à gonocoques constitue un cas particulier qui échappe aux stratégies de prophylaxie post-exposition. Ces bactéries à gram négatif acquièrent très facilement des résistances et d'autres méthodes de prévention doivent donc s'appliquer.
2 gélules de doxycycline
Les participants se voyaient proposer 2 gélules de doxycycline à chaque fois qu'ils rapportaient un rapport sexuel non protégé par un préservatif. Au bout de 9 mois, une baisse de près de 50 % des infections sexuelles transmissibles était observée. Pour les seules infections à chlamydia, comme pour la syphilis, la baisse est de 70 %. Le risque de développement de résistance semble très faible, dans la mesure où les participants ne prenaient en moyenne que 7 gélules par mois de doxycycline et que ces bactéries développent difficilement des résistances aux antibiotiques.
Le recours à la prophylaxie post-exposition est une stratégie potentiellement pertinente car une fois l'IST acquise, le diagnostic peut se révéler tardif si l’on attend la survenue de symptômes pour la dépister. Au cours de l'essai IPERGAY, les chercheurs ont noté en effet que 80 % des IST étaient asymptomatiques et n'ont été diagnostiqués qu'à l’aide d'une PCR très sensible.
La recherche sur les IST apparaît comme un prolongement naturel de celle menée sur le VIH. « Nous devons nous servir de l'expérience accumulée dans le VIH pour faire avancer la recherche sur les IST, poursuit le Pr Molina. C'est ce que nous allons continuer à faire lors de l'essai ANRS PREVENIR dans lequel nous souhaitons inclure 3 000 participants à haut risque d’acquisition du VIH. »
Selon les derniers chiffres publiés par les bulletins des réseaux de surveillance diffusés par l'Agence santé publique France, les nombres de cas de syphilis et de gonococcie ont augmenté de respectivement 56 et 100 % entre 2013 et 2015.
Près de 4 000 personnes sous PrEP
Ces recherches sont menées alors que la prophylaxie pré-exposition de l’infection par le VIH continue de se développer en France. « Nous suivons maintenant plus de 900 patients dans notre consultation de PrEP à l’hôpital Saint Louis, et entre 3 000 et 4 000 personnes sont inscrites dans un programme de PrEP en France, évalue le Pr Molina. Sans moyens supplémentaires, nous sommes très inquiets quant à notre capacité à répondre aux besoins des patients ». Depuis juin 2016, les centres de santé sexuelle, et surtout les nouveaux centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) peuvent ouvrir une consultation PrEP. « Cela se met en place peu à peu », se réjouit le Pr Molina.
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