LE QUOTIDIEN : Vous venez de commencer l'élaboration du prochain plan stratégique de l'institut pour les 4 prochaines années. En quoi consiste ce plan, et quel sera son périmètre exactement ?
Pr STEWART COLE : Nous ne sommes qu'au début de ce travail. Le contenu du plan sera le fruit d'une interaction avec les directeurs des départements de recherche et la communauté scientifique. Ces derniers nous dirons quels seront, selon eux, les orientations stratégiques et les investissements nécessaires dans leurs domaines respectifs.
Nous commençons à recueillir les premiers indicateurs de réussite du plan précédent. Je peux déjà affirmer que nous avons fait du bon travail en ce qui concerne le recrutement et le rajeunissement des chercheurs. Cela se concrétisera peut-être dans les années à venir par des projets de recherche ambitieux et des résultats importants.
Quelles sont les pathologies infectieuses qui devraient faire l'objet de l'attention de l'Institut Pasteur dans les années à venir ?
Quand j'analysais la situation de l'institut depuis ma position à l’EPFL, en Suisse, j'avais l'impression que l'institut se diversifiait beaucoup et je me disais qu'il serait peut-être important de remettre la santé humaine au centre de nos activités, ce qui est une des caractéristiques historiques de l’Institut Pasteur. Dans le programme pour lequel j'ai été mandaté par le conseil d'administration, j'avais identifié 3 axes : intensifier la recherche sur les maladies infectieuses émergentes, lutter contre la résistance aux agents anti microbiens et développer nos recherches pour mieux comprendre et combattre les maladies neurodégénératives.
Les maladies émergentes vont se multiplier, conséquence des profondes transformations de notre environnement et de nos habitudes de vie : déforestation, destruction des habitats et intensification des contacts entre faune sauvage et populations humaines. Pour ce qui concerne les problèmes de résistance aux antibiotiques, les industriels investissent moins dans la recherche de nouveaux antibiotiques, car ce n'est pas financièrement très porteur. La recherche académique doit donc occuper la place laissée vacante et réaliser plus de travail en amont.
Comme l'industrie intervient désormais plus tard dans le processus de développement, cela nous conduit à nous positionner dans ce que certains dénomment la « vallée de la mort », c’est-à-dire la phase pré clinique et la phase clinique précoce avec un risque d’échec très important à ces stades. Or, les agences de recherche comme l'ANR ne financent pas ce type de travaux. Même si l'Institut Pasteur est parfaitement positionné pour étudier les mécanismes et les gènes de résistance et transformer ces connaissances en nouveaux médicaments, il va nous falloir une nouvelle organisation, ce qui est un des enjeux du nouveau plan stratégique.
Maladies émergentes et résistance aux antibiotiques… ces 2 sujets ne justifieraient-ils pas que l'institut se dote de son propre laboratoire P4 de haute sécurité ?
Il est un petit peu illogique que l'Institut Pasteur ne dispose pas d'un tel équipement. Nous avons un très bon partenariat avec Mérieux et l'INSERM pour l'utilisation du laboratoire de Lyon, mais la distance ne facilite pas un large accès à ces installations.
Si nous devions construire notre propre structure, ce ne serait sans doute pas dans un environnement dense, comme Paris, mais plutôt à proximité, dans la région Île-de-France. Cette piste n'est pas totalement fermée : tout dépendra de la réflexion autour du plan stratégique. Si on mise beaucoup sur les maladies émergentes, alors nous aurons peut-être besoin de davantage d'accès à un P4. Il faut aussi prendre en compte l'évolution de la législation, qui oblige à manipuler un nombre croissant de pathogènes dans un environnement ultra-sécurisé. C'est le cas, par exemple, des souches de tuberculoses multirésistantes, sur lesquelles on ne peut actuellement pas travailler car on ne peut pas respecter les normes.
Vous avez évoqué les neurosciences, cette thématique est éloignée du « pré carré » de l'institut.
Nous disposons d'un département de neurosciences depuis de nombreuses années, mais nous arrivons à une période de transition et il va falloir allouer plus de moyens. Les maladies neurodégénératives et le vieillissement sont des sujets extrêmement importants dans nos pays développés et pèsent sur les systèmes de santé.
Dans le plan stratégique précédent, l'institut a beaucoup investi dans le big data et l'infrastructure nécessaire pour leur exploitation. Si on concilie cette approche avec des analyses d'imagerie cérébrale, on va peut-être pouvoir faire une corrélation entre l'émergence de phénotypes et l'évolution des données génomiques, transcriptomiques et même épigénétiques.
En 2016, l'Institut Pasteur avait un budget de presque 289 millions d'euros, dont 57,3 millions de subventions, 35,6 millions de valorisations de la recherche, plus de 75 millions de dons et de legs et 87,5 millions de contrats de recherche. Comment voyez-vous ce budget évoluer à l'avenir ?
Les comptes de l’année dernière ne sont pas encore publiés, mais le budget 2017 a été supérieur à 300 millions d’euros. Il devra de toute façon croître pour nous permettre d’acquérir et surtout d’entretenir et de faire fonctionner des équipements de plus en plus coûteux. Une des pistes pourrait être de faire croître notre patrimoine, actuellement de 1,2 milliard d'euros, de 20 %. Nos revenus industriels sont en baisse car plusieurs de nos grands brevets sont tombés dans le domaine public et nous n'avons pas de « blockbuster » en vue. Nos chercheurs ont en revanche un taux de réussite très élevé en ce qui concerne les contrats de recherche alloués par les agences nationales et internationales. Nous dépendons beaucoup de la générosité publique, et fort heureusement les Français soutiennent l'Institut Pasteur. Malheureusement, la fiscalité est désormais moins incitative pour cette générosité, ce qui pèse sur nos revenus à hauteur de plusieurs millions de collectes en moins !
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