La situation de la syphilis est préoccupante en France. Comme aux États-Unis, « depuis les années 2000, les cas de syphilis précoce ne cessent d'augmenter », s'est inquiété, lors d'une présentation à l'Académie de Médecine, le Pr Michel Janier, du centre clinique et biologique des maladies sexuellement transmissibles (MST) de l'hôpital Saint-Louis (AP-HP) et du service de dermatologie de l'hôpital Saint-Joseph.
Face à cette épidémie grandissante, le Pr Janier reproche aux pouvoirs publics et aux laboratoires pharmaceutiques d'avoir pris des décisions « malvenues », voire « irresponsables » : insuffisance de la surveillance épidémiologique, - qui souffre d'un manque de moyens « criant », estime-t-il -, suppression du fond noir de la nomenclature, arrêt de la fabrication de la benzathine-pénicilline G (BPG), future suppression du Centre national de référence (CNR) de la syphilis.
Plus de 1 100 cas de syphilis précoce ont été déclarés à l'InVS en 2014 contre 700 en 2012, à centres participants constants, dans le cadre du réseau RésIST. Un chiffre qui serait sous-évalué et « sans doute bien supérieur », avait indiqué l'Institut national de veille sanitaire (InVS) aujourd'hui Agence santé publique France. La suppression de la déclaration obligatoire en 2000 était un « signal maladroit », au moment où les spécialistes de la Société Française de Dermatologie (SFD) alertaient de la réémergence de la maladie.
Des conduites à risques
Dans la très grande majorité des cas (83 %), la syphilis survient chez des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), dont 34 % sont coinfectés par le VIH. « Les sujets les plus jeunes sont très mal informés sur les MST, souligne Michel Janier, également coordonnateur des recommandations MST 2014 de la SFD. Les homosexuels masculins (HM) multipartenaires plus âgés sont souvent en revanche bien informés mais ont moins peur des MST, considèrent qu'elles peuvent toutes être facilement traitées et ont des conduites à risque dès lors qu'ils considèrent qu'ils se protègent contre le VIH ».
Serosorting (pour sélection de partenaires séro-concordants), TAP (pour treatment as prevention), sexe oral, PREP (pour pre-exposure prophylaxis) ne protègent pas de la syphilis. « Or la syphilis est une maladie potentiellement mortelle, rappelle le dermatologue vénéréologue, ou pouvant conduire à des accidents précoces très graves, en particulier neurologiques, oculaires et auditifs. Elle se transmet particulièrement bien par le sexe oral qui est exceptionnellement protégé ».
Pour le Pr Janier, certaines décisions des pouvoirs publics n'ont fait qu'aggraver les difficultés de prise en charge. Avec la suppression de l'examen au microscope à fond noir en mai 2015, « nous n'avons plus aucun examen direct à disposition », regrette-t-il. Les sérologies de la syphilis se positivent avec retard, entre 5 à 15 jours après le début du chancre, et « l'examen clinique ne permet en aucun cas de porter un diagnostic de certitude devant une ulcération génitale », précise-t-il.
Nouvelles structures
La décision en cours de regrouper le CNR de la syphilis avec ceux des MST, fait craindre une diminution « quasi-inéluctable » des crédits, met en garde le Pr Janier. La création des CeGIDD (centres gratuits d'information de dépistage et de diagnostic du VIH et des IST), ces nouvelles structures mises en place en janvier 2016, ont écarté, selon lui, les dermatologues-vénéréologues au profit d'autres acteurs de la santé sexuelle.
L'arrêt de commercialisation de la BPG en 2013 par les laboratoires Sanofi, est pointé du doigt comme ayant largement compliqué la prise en charge. Après une période de carence totale, un relais a été assuré par une pénicilline retard importée d'Italie (Sigmacillina), mais au prix de « contraintes insupportables », en particulier une dispense uniquement hospitalière et la prescription de traitements oraux en ville moins efficaces. L'horizon semble se dégager enfin, puisque le laboratoire Sandoz vient de reprendre la fabrication d'une BPG en poudre, « grâce à une politique volontariste de l'ANSM », salue le Pr Janier.
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