CA GRONDE à Freyming Merlebach en Moselle, autour de l’IEM (Institut d’éducation motrice) les Jonquilles. Le week-end dernier, plus d’une centaine de personnes ont manifesté dans les rues de la commune pour protester contre l’expulsion le 4 mai d’un jeune adolescent kosovar polyhandicapé. Un collectif réunissant Amnesty international, le Réseau éducation sans frontières, l’APF (Association des paralysés de France) et même un collectif spontané de voisins s’est constitué pour réclamer des comptes à la Préfecture.
Ardi, tel est son prénom, se trouve donc actuellement à Pristina, capitale du Kosovo. Sa situation est « très préoccupante », n’hésite pas à marteler le Dr Isabelle Kieffer, pédiatre à l’IEM qui a rencontré le jeune Ardi Vrenezi au centre médical Hospitalor de Saint Avold, avant qu’il ne soit accueilli à l’IEM sur notification de la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées).
Maladie progressive.
C’est fin 2005 que les premiers symptômes sont apparus chez le garçon alors âgé d’une dizaine d’années, au Kosovo. Régression psychomotrice et convulsions. Dans cet état de « mal convulsif », de grande épilepsie, il a été examiné à l’hôpital de Metz, raconte le Dr Kieffer. Et c’est là que le diagnostic est tombé, confirmé ensuite à l’hôpital de Nancy. Ardi est atteint d’une maladie dégénérative du cerveau, consécutive à une maladie infectieuse de l’enfance. Sa maladie est évolutive, avec de très probables poussées et une aggravation progressive, explique le Dr Kieffer. Le jeune garçon de 15 ans souffre d’un polyhandicap. Il perd l’usage de la parole, marche difficilement, devient dépendant pour tous les gestes quotidiens. Il nécessite une coque de maintien. Il prend par ailleurs un triple traitement anticonvulsivant.
Une association, Horizons, avait trouvé un logement à Valmont pour la famille Vrenezi : les deux parents et leurs trois enfants s’y sont installés, irrégulièrement. Arrivés illégalement sur le territoire français en juillet 2008, la famille avait en effet sollicité deux mois après, son « admission au séjour » au regard de l’état de santé de leur enfant, indique la Préfecture de Moselle qui précise que leur demande a été déboutée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. En décembre, le médecin inspecteur de la DDASS (aujourd’hui ARS, agence régionale de santé) certifie que l’enfant peut bénéficier d’un traitement approprié au Kosovo et voyager sans risque dans son pays. Le recours des parents auprès de la Cour nationale du droit d’asile est encore rejeté en mai 2009. Et en octobre, les parents sont avertis de leur obligation de quitter le territoire français. Le médecin inspecteur de santé publique confirme l’accès effectif pour l’enfant aux soins dans son pays.
C’est ce dont doute le collectif de soutien de l’enfant en France. Outre la façon assez brutale, du moins disproportionnée, dont les forces de police semblent avoir usé pour chercher l’enfant au centre (douze gendarmes selon la Préfecture, trente personnes au moins selon des témoins oculaires sur place, qui ont compté également dix véhicules), ils réclament des informations quant à l’état de santé du jeune Ardi et à sa prise en charge.
« J’ai été prévenue le soir à 21h15 qu’Ardi avait été emmené dans une ambulance. Lorsque j’ai appelé le lendemain matin pour prendre de ses nouvelles, son avion avait déjà décollé », déplore le Dr Kieffer.
Depuis, les autorités affirment que toutes les précautions ont été prises pour que le retour de l’enfant se passe bien. « "On" nous assure qu’Ardi est suivi correctement dans son pays. Mais impossible d’obtenir ne serait-ce que le nom des médecins qui le suivent ».
Alain Cocq, membre du mouvement politique, le Collectif des démocrates handicapés (CDH), est parvenu par ses propres moyens à recevoir par fax la traduction française d’un compte rendu d’hospitalisation du jeune Ardi à la clinique universitaire de Pristina. Il y séjournerait depuis le 12 mai. Le signataire du rapport, le Dr Naim Zeka, neuropédiatre référent au Kosovo, conclut, au vu de la progressivité de la maladie, du besoin de nutrition entérale continue et d’un traitement multidisciplinaire, à la nécessité d’un traitement à l’étranger. Le Pr Skender Hoti, de la Direction pour la santé à Malisheve, commune de résidence de la famille d’Ardi, aurait faxé lui aussi au collectif un rapport en ce même sens. « Nous disposons également d’un certificat, signé d’un pharmacien de Pristina, affirmant qu’il n’est pas en mesure de fournir à Ardi l’un des trois médicaments anticonvulsivants, assure le Dr Kieffer.
Documents sans valeur légale selon la Préfecture.
« On nous reproche de risquer de compromettre les relations entre la France et le Kosovo en mettant ainsi en cause la compétence des médecins kosovars, se révolte le Dr Kieffer. Mais nous avons ces certificats. Peut-on, dans la même diplomatie, les taxer de déclarations de complaisance ? ».
Ce qui parait certain, aux yeux de la pédiatre, c’est que l’état de santé du jeune Ardi s’est dégradé depuis son retour dans son pays. « Il y a urgence. La version du médecin inspecteur de santé publique ne correspond ni à la demande des parents, ni aux demandes des médecins kosovars. Ardi doit clairement revenir en France, je ne vois pas comment cela pourrait en être autrement ».
La Préfecture, elle, avance que la légalité de certains des documents médicaux qui lui ont été transmis n’a pas été validée ni par l’Ambassadeur de France au Kossovo ni par le Directeur de la Santé (qui représenterait le numéro 3 au Ministère de la Santé au Kosovo). « À partir du moment où le Kosovo a accepté de reprendre Ardi et nous a affirmé que tous les médicaments nécessaires à son traitement sont disponibles et gratuits sur son territoire, nous n’avons rien à opposer. Le Kosovo est un pays souverain », explique le cabinet du Préfet. C’est une parole contre une autre. Le collectif, très décidé à faire revenir Ardi en France, n’a pas encore gagné sa bataille.
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