Après le prix Nobel de médecine/physiologie décerné lundi à deux Américains, celui de chimie a été remis ce jour à l'Allemand Benjamin List (Institut Max-Planck) et à l'Américain David W. C. MacMillan (université de Princeton), tous deux nés en 1968, pour leurs travaux sur l'organocatalyse asymétrique. Ce nouvel outil de construction moléculaire a un impact important dans la recherche pharmaceutique.
« Leur découverte a non seulement rendu la chimie plus verte, mais aussi facilité la production de molécules asymétriques, lit-on dans un document du comité Nobel. Lors de la construction chimique, il arrive souvent que deux molécules se forment, qui, comme nos mains, sont l’image miroir de l’autre ». Ces molécules sont dites chirales. En général, et c'est particulièrement vrai en pharmacologie, les chimistes ne s'intéressent qu'à l'une ou l'autre des deux versions, mais il a été difficile de mettre au point des méthodes sélectives.
Une réaction catalytique via la proline
En 2000, chacun de leur côté, Benjamin List et David W. C. MacMillan, ont développé un type de catalyse capable de pallier ce manque : l'organocatalyse asymétrique, qui s'appuie sur le recours à de petites molécules organiques. Jusque-là, seules la catalyse enzymatique et la catalyse métallique étaient connues.
Les catalyseurs sont des substances qui permettent de contrôler et d'accélérer des réactions chimiques (en séparant des molécules ou au contraire en les liant), sans pour autant s'intégrer au produit final. « Tous les êtres vivants ont des milliers d’enzymes différentes qui entraînent les réactions chimiques nécessaires à la vie », est-il rappelé. Et beaucoup d'entre elles sont des spécialistes de la catalyse asymétrique, créant les deux versions miroirs d'une molécule.
Alors que les enzymes sont des protéines constituées d'acides aminés, Benjamin List a cherché à savoir si un acide aminé seul était lui aussi capable d'avoir un rôle catalyseur. Il s'est en particulier intéressé à la proline. « Sans aucune attente réelle, il a testé si la proline pouvait catalyser une réaction aldolique par laquelle des atomes de carbone de deux molécules différentes se lient, est-il raconté. C’était une simple tentative qui, étonnamment, a fonctionné tout de suite. » Il constata ainsi que la proline était non seulement un catalyseur efficace, mais aussi qu'elle était capable d'induire une catalyse asymétrique, permettant de sélectionner l'une ou l'autre des versions miroirs. Cette molécule a de plus l'avantage d'être très simple, bon marché et respectueuse de l’environnement. Dans sa publication de 2000, le chercheur allemand décrit la catalyse asymétrique avec des molécules organiques comme un nouveau concept plein d'opportunités.
Une multitude d'organocatalyseurs stables et bon marché
En parallèle, David W. C. MacMillan est parvenu au même résultat. Il a commencé à travailler sur des catalyseurs métalliques, mais ceux-ci étaient facilement altérés par l'humidité. Il a donc cherché à développer des catalyseurs plus durables. Et après avoir analysé différentes molécules organiques, il finit par identifier une autre molécule douée de catalyse asymétrique ; celle-ci était capable d'entraîner la formation d'un ion iminium. C'est lui qui inventa alors le terme d'« organocatalyse ».
« Depuis 2000, l’évolution de la situation dans ce domaine s’apparente presque à une ruée vers l’or, où List et MacMillan conservent des positions de leaders, est-il souligné par le comité Nobel. Ils ont conçu une multitude d’organocatalyseurs stables et bon marché, qui peuvent être utilisés pour déclencher une grande variété de réactions chimiques. »
Moins de perte dans le processus chimique
L'organocatalyse permet de produire de façon relativement simple de grandes quantités de molécules asymétriques. De plus, grâce à des cascades de réactions, cette approche permet de réduire considérablement les pertes au cours de la fabrication de composés chimiques. Par exemple, la synthèse de strychnine (un alcaloïde très toxique), réalisée pour la première fois en 1952, faisait intervenir 29 réactions chimiques différentes, avec seul 0,0009 % du matériel initial conservé pour former la strychnine. Depuis 2011, le recours à l'organocatalyse permet de produire la strychnine en seulement 12 étapes, avec un processus de production 7 000 fois plus efficace.
La découverte de ce procédé a eu un impact majeur en pharmacologie, car le recours à la catalyse asymétrique y est fréquent. Avant cela, les produits pharmaceutiques pouvaient contenir les deux versions miroirs d'une molécule, avec une seule version active, mais l'autre pouvant entraîner des effets indésirables. « Le scandale de la thalidomide dans les années 1960 en est un exemple catastrophique : une version miroir du produit pharmaceutique à base de thalidomide a causé de graves malformations chez des milliers d’embryons humains en développement », est-il relaté.
L'an dernier, le prix Nobel de chimie a été attribué à la Française Emmanuelle Charpentier et à l’Américaine Jennifer Doudna pour leurs travaux sur CRISPR-Cas9.
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