Une alimentation riche en gluten lors de la grossesse est associée à une augmentation du risque de diabète de type 1 chez l'enfant, selon une large étude observationnelle publiée dans le « BMJ ». Un résultat important mais qui ne doit « surtout pas conduire à une conclusion lapidaire », prévient le Dr Boris Hansel, de la consultation endocrinologie, diabétologie, métabolisme et nutrition de l'hôpital Bichat-Claude Bernard (AP-HP). « Il n'y a pas lieu de changer les pratiques alimentaires des femmes enceintes pour qu'elles diminuent leur apport en gluten. Ce serait même risqué ! », estime-t-il.
Les auteurs, menés par le Dr Sjufur Olsen, du département de recherche en épidémiologie du Serum Statens Institute de Copenhague, ont collecté les données de 70 188 femmes inscrites dans la cohorte nationale des naissances danoises et suivies pendant 15 ans après l'accouchement. Ces femmes ont toutes répondu à un questionnaire sur leurs habitudes alimentaires lors de leur 25e semaine de grossesse.
Près de 500 g de céréales par jour
Les auteurs ont calculé la quantité de gluten en mesurant les quantités de blé, de seigle et d'orge présentes dans les aliments. La quantité moyenne de gluten consommée pendant la grossesse était de 13 g/j. Les 10 % de femmes les moins consommatrices de gluten mangeaient moins de 7 g/j, et les 10 % de femmes les plus grosses consommatrices mangeaient plus de 20 g/j.
Afin de donner une idée de ce que cela représente, les auteurs précisent que les femmes consommant le plus de gluten mangeaient en moyenne l'équivalent de 477 g/j de céréales par jour contre 112 g pour celles qui consomment le moins. Au cours du suivi, l'incidence du diabète de type 1 est de 0,37 % chez les enfants de la cohorte.
Le risque de diabète de type 1 augmente de 31 % par tranche de 10 g/j supplémentaire consommés lors de la grossesse. De plus, le risque de diabète de type 1 de la descendance est 2 fois plus important si la mère fait partie des plus grosses consommatrices de gluten, comparée aux enfants des femmes qui en consomment le moins. Ces données confirment des observations similaires faites chez la souris. Les femmes consommant le moins de gluten sont aussi celles qui ont le plus de chance d'avoir un IMC normal, d'être non fumeuses, d'avoir allaité leurs enfants pendant plus d'un mois. Ces résultats ont été ajustés pour plusieurs facteurs : l'âge gestationnel, l'IMC, le tabagisme, la durée d'allaitement, etc.
Les chercheurs restent toutefois prudents quant aux conclusions à tirer de ces chiffres : « une confirmation de ces résultats sera nécessaire, si possible à l'aide d'études interventionnelles ». L'impact du gluten sur le diabète de type 1 pourrait néanmoins fournir un élément d'explication à l'augmentation de l'incidence de cette pathologie observée ces dernières années.
Moins de gluten : plus de risque cardiovasculaire
« La question du lien entre diabète de type 1 et gluten est légitime, explique le Dr Hansel, mais il n'y a pas de consensus scientifique en la matière. » Le Dr Hansel insiste notamment sur les risques liés à une consommation faible en gluten lors de la grossesse : « Une alimentation pauvre en gluten est également pauvre en fibres et plus riche en glucides, ce qui augmente le risque cardiovasculaire et de diabète gestationnel », poursuit-il. En mai 2017, une autre étude de cohorte, américaine cette fois, montrait qu'un régime pauvre en gluten augmentait le risque cardiovasculaire, une fois les résultats ajustés pour les différences d'apport en fibres. Les recommandations alimentaires concernant le gluten sont à peu près les mêmes pour les femmes que pour la population générale : des féculents une à deux fois par jour, soit 300 g de féculent ou 100 g de pain. « Les seuls spécifiés sont d’éviter les excès d'édulcorants, manger peu de poisson et éviter le soja, résume le Dr Hansel, il n'y a pas lieu de les changer. »
Maija Miettinen et le Pr Suvi Virtanen, de l'institut national finlandais pour la santé et le bien-être rejoignent dans un éditorial, l'analyse du Dr Hansel, estimant qu'il est « prématuré de changer les recommandations alimentaires concernant la prise de gluten pendant la grossesse », notant au passage que les plus grosses consommatrices de gluten étaient celles qui avaient plus souvent une mauvaise hygiène alimentaire. Et de conclure que, « toutefois, les médecins, les chercheurs et le grand public doivent être informés de la possibilité qu'une forte consommation de gluten peut être mauvaise pour la santé, et que davantage d'études seront nécessaires ».
Écartant l'idée d'études prospectives « irréalisable en pratique », le Dr Hansel estime qu'il faudrait reproduire le travail mené sur la cohorte danoise dans d'autres cohortes nationales pour en améliorer la puissance statistique.
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