Les sénatrices UDI-UC, Chantal Jouanno et Muguette Dini, ont déposé une proposition de loi visant à modifier le régime de prescription des viols et agressions sexuelles qui sera examinée par la chambre haute du Parlement ce mercredi 28 mai.
« J’ai été violée en 1977 par un cousin majeur alors que j’étais âgée de 5 ans. Ces crimes sont restés dans les oubliettes de mon inconscient pendant 32 ans. Ils ont brutalement ressurgi lors d’une séance d’hypnose en 2009 […] En septembre 2011, j’ai déposé plainte contre mon agresseur, mais la justice a classé la procédure du fait de la prescription. »
Ce témoignage d’une journaliste de 42 ans fait écho à celui d’Arianne O., inspectrice des finances, violée sans discontinuer jusqu’à l’âge de 11 ans et demi par son grand-père maternel, son père et le curé du village : « J’ai amnésié tous ces viols et je ne m’en suis souvenue qu’à... 42 ans (...) Trente longues années d’amnésie (...) Et puis mon corps s’est souvenu. La nuit du 13 au 14 octobre 2012, je suis partie en enfer, j’ai décompensé et revécu tous les viols. »
Pour ces deux femmes, comme pour Olivier Demacon, violé de manière répétitive par un surveillant de l’établissement où il était en pension enfant et qui ne s’en est souvenu qu’à l’âge de 50 ans, le régime de prescription des viols et agressions sexuelles actuellement en vigueur s’est avéré totalement inadapté à la réalité d’un parcours traumatique qui, comme pour beaucoup de victimes, intègre une phase d’amnésie parfois très longue.
Redonner la possibilité d’une réparation judiciaire
Aujourd’hui en France, une victime de viol a au maximum 20 ans à compter de sa majorité pour porter plainte si le crime a été commis avant celle-ci. Un délai de prescription que dénoncent les sénatrices Chantal Jouanno (Paris) et Muguette Dini (Rhône), auteurs d’une proposition de loi dont le but est de « s’attacher à l’identité de la souffrance ressentie par la victime et lui donner le temps nécessaire à la dénonciation des faits ».
Selon elles, « les victimes de viols et d’agressions sexuelles doivent donc bénéficier du même régime de prescription que celui des victimes portant sur des biens matériels », à l’instar de la jurisprudence imposée par la Cour de cassation pour les abus de biens sociaux. Cette proposition de modification de loi qui sera examinée ce 28 mai au Sénat vise donc à intégrer dans le texte que les délais de prescription « ne commencent à courir qu’à partir du jour où l’infraction apparaît à la victime dans des conditions lui permettant d’exercer l’action publique ».
Une absolue nécessité pour le Dr Violaine Guérin, présidente de l’association « Stop aux violences sexuelles », qui rappelle que de multiples raisons expliquent que des violences aussi graves puissent être occultées très longtemps par les victimes : déficience de la mémorisation d’un événement traumatique, mécanismes de déconnexion du cerveau, refoulement au sens du déni, difficulté pour l’enfant de conscientiser le viol comme tel, notamment au sein de familles où le cadre de référence est pathologique, etc. De surcroît, elle estime qu’au-delà de cette juste reconnaissance des faits « fondamentale dans un parcours de réparation », cette proposition de loi va dans le sens d’une « meilleure évaluation de la situation et des solutions à mettre en place » pour enfin « arrêter de nier la fréquence et les dégâts de telles violences ».
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque