PAR LE Dr MARIE-CHRISTINE COLOMBO*
LA PROTECTION maternelle et infantile (PMI) désigne autant le centre de PMI, notamment en Ile-de-France, les services de PMI sous la tutelle des conseils généraux dans chaque département que la politique publique du même nom, telle que définie au code de la santé publique. Carnet de santé de la grossesse, carnet de santé de l’enfant sont autant d’outils partagés ; les huit examens préventifs de la femme enceinte, les vingt examens préventifs de l’enfant jusqu’à 6 ans dont le bilan de santé des 4 ans en école maternelle, plus récemment l’entretien prénatal précoce, les consultations en centre de planification et d’éducation familiale, la prévention médico-sociale à domicile en sont les instruments. Les inégalités sociales de santé touchent particulièrement l’enfance, et ce dès la grossesse : prématurité et toutes ses conséquences, syndrome d’alcoolisation foetale, troubles du développement et handicaps de tous ordres, langagier, cognitifs, psychoaffectifs et psychomoteurs, somatiques (obésité, saturnisme, caries dentaires, troubles sensoriels tardivement pris en charge). Ces inégalités aux conséquences immédiates et durables, échappent à toute responsabilité individuelle et représentent en cela une injustice sociale intolérable (rapport IGAS, octobre 2011).
Les parents sont les premiers « pourvoyeurs de soins » à l’enfant.
Or qu’observe-t-on ? Plus que jamais, les futurs parents et parents d’aujourd’hui se révèlent insécurisés, démunis, fragiles. Ils demandent un accompagnement professionnel dans la réalisation de leur projet de couple, projet de naissance, projet d’enfant et projets pour l’enfant. Ce besoin touche toutes les catégories socioprofessionnelles et n’a pas de lien direct avec des critères de risques prévisibles.
Qu’apportent les services de PMI ? Une puéricultrice de PMI de mon service le dit ainsi : « Les parents oublient de se faire confiance et nous sommes des révélateurs de compétences ». Puéricultrices et sages-femmes de PMI font partie de ces acteurs de santé, de plus en plus rares, à se rendre au domicile des familles, à y être admis dans leur intimité.
Au domicile privé, un tabagisme parental s’appréhende différemment que par une mesure de CO d’air expiré, un risque d’accouchement prématuré autrement que par des recommandations de repos difficiles à respecter, une surcharge pondérale autrement que par la seule diététique, l’enregistrement des bruits fœtaux devient écoute des bruits du cœur du bébé et prend une signification affective pour le grand frère curieux d’y assister.
Leurs moyens d’agir sont multiples. Ils peuvent mobiliser tout un réseau de professionnels : une aide ménagère peut être mise en place, un accès aux droits sociaux rétabli avec l’aide de l’assistante sociale, la coupure d’électricité évitée grâce à une mesure d’aide financière au titre de la protection de l’enfance, une dépendance orientée vers le collègue psychiatre, etc.
Trop social côté sanitaire, trop sanitaire côté social ?
La pertinence des réponses apportées par les services de PMI est peu reconnue. L’efficacité reste « discrète » car elle n’est pas appréhendée par un système de santé qui « opérationnalise » la moindre parcelle de temps, qui privilégie les savoirs spécifiques au détriment des savoirs complexes, les actions ciblées au détriment des actions multidimensionnelles, le quantitatif au détriment du qualitatif.
Le financement plancher institué par la nouvelle convention-type imposée aux départements par la CNAM en janvier 2011 traduit cette faible reconnaissance.
Côté départements, la situation des moyens humains publiée par la DREES pour 2008 indique pour la métropole 1 723 équivalents temps plein de médecins, 3 226 de puéricultrices, 1 173 d’infirmières, 830 de sages-femmes (1). Ce niveau d’équipement a baissé de 30 % par rapport à 2001 pour les médecins. Une enquête menée au cours de l’été 2011 par le Syndicat national des médecins de PMI (SNMPMI) (2) a révélé un taux de vacance moyen des postes de 10 %, avec des variations allant jusqu’à 46 % : le défaut d’attractivité du statut national est principalement incriminé. À cela s’ajoute une absence totale de politique active de recrutement de médecins par les départements.
Cette situation parle à la fois de la difficulté budgétaire de ces collectivités et de la prééminence de la mission sociale devant la prévention et la promotion de la santé.
L’allocation de ressources en direction des services de PMI est doublement en danger, visée prioritairement par des mesures de restriction (économies budgétaires, gel de postes, etc.) et insuffisamment rémunérés au titre du risque maternité par l’assurance maladie. Au détriment des plus vulnérables ? Au dépens de l’avenir ?
* Médecin départemental de PMI, conseil général de Meurthe-et-Moselle, Nancy; vice-présidente du Syndicat national des médecins de PMI (SNMPMI).
(1) DREES : direction de la recherche, de l’évaluation et des statistiques, publications statistiques, personnels de PMI 2008.
(2) Enquête consultable sur le site www.snmpmi.org à partir de novembre 2011.
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