IL EST CURIEUX que le résultat ait été accueilli par la surprise générale, aussi bien en Grande-Bretagne qu’à l’étranger. Les sondages qui ont précédé le 6 mai montraient tous l’effritement des tories. Chef des Lib-Dem, Nick Clegg semblait devoir élargir l’audience de son parti grâce à de bonnes prestations télévisées, mais les enquêtes d’opinion ne lui accordaient pas pour autant une ascension notable. Le leader conservateur, David Cameron, ne doit donc sa victoire inachevée qu’à lui-même, à sa certitude de l’emporter sous le prétexte que le Labour était usé par le pouvoir et que Gordon Brown, dépourvu de charisme, avait commis des erreurs de communication. Le peuple britannique a montré que l’engagement politique est plus important que le charme respectif des candidats. De nombreux travaillistes sont restés fidèles à leur parti parce que, comme ils l’ont souvent dit, c’est celui du peuple, des pauvres, de la classe moyenne. La fatigue existentielle de M. Brown a joué dans le sens de l’affaiblissement du Labour, pas dans celui de son affaissement.
Elle jouera néanmoins dans son éjection du pouvoir. Pour au moins une raison : les travaillistes sont clairement minoritaires, ce qui ferait du maintien de M. Brown au 10 Downing Street une sorte d’aberration. Il a perdu et s’il peut tirer un avantage éphémère de la procédure en vigueur, il ne saurait rester aux affaires. Non que les Britanniques aient réclamé le changement avec une déferlante des suffrages, mais parce que même le résultat très mitigé du scrutin l’exige : il existe une majorité de coalition possible entre les conservateurs et les libéraux-démocrates.
Inévitable changement.
À quoi il est bon d’ajouter que cette majorité ne traduit que des nombres, pas des convictions. M. Clegg dit qu’il lui est plus facile d’entrer dans une coalition avec les tories qu’avec les travaillistes. On se demande bien pourquoi. On se demande pourquoi les conservateurs incarneraient davantage le changement que leurs adversaires. La vérité est ailleurs : le Royaume-Uni est en train de changer sous les coups de boutoir de la crise économique et financière ; le prochain Premier ministre, quel qu’il soit, doit prendre acte de ce changement et adapter son programme au nouvel environnement créé par les difficultés que rencontre le pays. Il n’y a aucun rapport entre une campagne électorale et la politique à mettre en œuvre après le scrutin. La campagne permet seulement aux candidats de se présenter comme les plus aptes à diriger le pays, et à tenter de démontrer que leurs adversaires sont médiocres. La démocratie a besoin de ce jeu superficiel. Les caractères comptent assurément, mais la conjoncture dicte la forme de l’action.
PAS DE COALITION SANS PROGRAMME COMMUN
Nick Clegg explique sa préférence pour les tories parce qu’ils seraient, comme lui, partisans d’une réforme électorale. Bien entendu, le scrutin du 6 mai milite en faveur d’une telle réforme. Il n’empêche que le système actuellement en vigueur n’a pour objectif que de dégager une majorité, à éviter l’impasse dans laquelle, justement, les partis britanniques se trouvaient vendredi dernier. Si ce système n’a pas fonctionné, c’est parce que le peuple a parlé, en déjouant les meilleurs prévisions. En définitive, la télévision n’a pas fait de Nick Clegg une star irrésistible. Les Lib-Dem n’ont pas affaibli le parti conservateur comme on le croyait, puisqu’ils n’ont pas fait un score meilleur qu’il y a cinq ans. Les tories ont été freinés dans leur avance parce que David Cameron a vendu trop tôt la peau de l’ours. Le Labour est sanctionné, pas détruit. Dans ces conditions, le système électoral ne transforme pas, ou ne sublime pas, comme on voudra, le vœu de l’électeur. Si une réforme vise à un certain degré de proportionnalité, elle ne fera qu’accroître la confusion, avec un « hung Parliament » dont la majorité sera encore plus introuvable, sauf dans le cadre d’une très improbable alliance entre tories et travaillistes.
Il n’est pas question de négliger l’urgence qu’il y a, pour le Royaume-Uni, de constituer une majorité forte, laquelle dépend néanmoins d’un rapprochement idéologique entre deux partis, ce qui sera une tâche particulièrement ardue. Comme tous les pays d’Europe, y compris les plus solides, la Grande-Bretagne doit juguler la crise. Elle n’y parviendra ni avec un gouverment minoritaire ni sans une coalition qui sera mise d’accord sur un programme avant même de gouverner.
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