L'épidémie incontrôlée de Covid au Brésil fait peur au monde entier, la France a décidé cette semaine d'interrompre les vols avec le pays. La gestion chaotique de la crise par les autorités brésiliennes, sans aucune « réponse coordonnée et centralisée », a plongé le pays dans une « catastrophe humanitaire », a dénoncé ce jeudi 15 avril Médecins sans Frontières (MSF).
En un peu plus d'un an, le coronavirus a fait plus de 360 000 morts au Brésil, deuxième pays le plus endeuillé au monde après les États-Unis. La crise sanitaire s'est fortement aggravée ces dernières semaines, avec plus de 66 000 morts lors du seul mois de mars et plus de 3 000 décès par jour en moyenne.
Le variant P.1, qui circulerait dans le pays depuis mi-novembre, fait des ravages. Il serait environ deux fois plus transmissible (entre 1,7 à 2,4 fois) selon une publication internationale dans « Science » coordonnée par l'Imperial College de Londres. La protection conférée par une infection antérieure au SARS-CoV-2 originel serait moindre avec un échappement viral, est-il décrit, comme l'a dramatiquement illustré la situation à Manaus. Ce variant cumule 17 mutations, dont un trio (K417T, E484K, N501Y) concernant la protéine Spike, ce qui donne l'avantage au virus d'une liaison plus forte au récepteur ACE2.
Une gestion politique calamiteuse
Mais plus que tout, le président d'extrême droite Jair Bolsonaro n'a cessé de minimiser l'ampleur de la pandémie et de critiquer les mesures restrictives prises au niveau local par les maires et les gouverneurs des différents États.
« La réponse fédérale a été une dangereuse combinaison d'inaction et de fautes », abondent des épidémiologistes de l'école Chan de santé publique à Harvard. Dans leur travail publié dans « Science » , les scientifiques montrent comment, au niveau géographique et temporel, le virus s'est propagé dans le pays de février à octobre 2020.
Les chercheurs américains pointent du doigt les graves défaillances de surveillance, de collecte des données et tout simplement de test : les clusters de décès ont été observés environ un mois avant que les cas ne soient enregistrés. Le virus a donc longtemps circulé à bas bruit de façon incontrôlée.
En mai, les cas et les décès ont progressé vers le nord, quand l'épidémie commençait à reculer dans les États d'Amazonas et de Ceará, mais gagnait en force à Rio de Janeiro et à São Paulo. Au total, les pourcentages les plus élevés de cas et de décès ont été observés en dehors des grandes villes.
L'ampleur de l'épidémie a été rapide, à la fois pour les cas et les décès, mais hétérogène entre les États, reflétant la variabilité des réponses apportées, est-il expliqué. « À Rio de Janeiro, le chaos politique a compromis une réponse prompte et efficace, décrivent les auteurs. Les décideurs étaient plongés dans des accusations de corruption, le gouverneur a été renvoyé de son poste et fait face à une procédure d'impeachment, et le secrétaire d'État a été changé trois fois entre mai et septembre, l'un d'entre eux ayant été arrêté. » Comme l'a déclaré le Dr Christos Christou, président international de MSF : « Au Brésil, les problématiques de santé publique sont instrumentalisées par le pouvoir politique. »
Des inégalités exacerbées sans politique commune
Les chercheurs avancent cinq grandes explications à ce patchwork épidémiologique. La première repose sur le fait que le Brésil est un grand pays avec de très fortes disparités d'accès au système de soins (lits d'hôpitaux, médecins) et de revenus. Vient en deuxième le réseau urbain très dense entre les villes qui n'a pas été interrompu totalement pendant les pics de l'épidémie. Puis, en troisième, l'alignement initial des positions entre le président et les gouverneurs a retardé et amoindri l'application et l'adhésion aux mesures de distanciation sociale. L'absence de surveillance épidémiologique opérationnelle est citée en quatrième position, expliquant que les décès soient observés un mois avant les cas. Enfin, l'incoordination complète entre les villes, qui ont imposé et relâché les mesures de restriction à des moments différents et selon des critères distincts, est mise en avant pour faciliter la circulation virale.
L'exemple de l'État du Ceará
Mais la situation n'était pas inéluctable. Comme la publication l'indique : « À l’inverse [de Rio de Janeiro, N.D.L.R.], bien que le Ceará a aussi fait l'expérience d'un quasi effondrement du système hospitalier fin avril à mi-mai et a eu une circulation silencieuse du virus plus d'un mois avant le premier cas officiellement rapporté, il était au 6e rang [pour l'intensité de propagation du Covid-19, N.D.L.R.] mais avant-dernier pour les décès. » Pour les auteurs, cela suggère que, même avec une propagation continue du virus, « des actions locales sont efficaces pour prévenir la mortalité ».
La réponse du Brésil n'a été ni réactive ni équitable selon les territoires, est-il souligné. Présent au Brésil depuis 1991, MSF a déployé des équipes dans huit États du pays depuis le début de la pandémie, soutenant « plus de 50 établissements de santé, en se concentrant sur la prise en charge des individus les plus vulnérables », dans trois États très affectés du nord du pays (Rondonia, Roraima et Amazonas).
Pour les scientifiques d'Harvard, il est plus que temps de tirer les leçons pour la vague qui est en train de dévaster le pays. « Échouer à contenir ce nouveau round de propagation facilitera l'émergence de variants, isolera le Brésil comme menace pour la sécurité sanitaire mondiale et conduira à une crise humanitaire complètement évitable », écrivent-ils. Malheureusement, la prédiction se conjugue déjà au présent.
Avec AFP
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