DE QUOI s’agit-il ? Sûrement pas d’engager une grande réfome humaniste. Livré à lui-même, le système produirait une hémorragie à côté de laquelle nos actuels déficits seraient presque bénins. En prenant au sérieux ses responsabilités, le gouvernement entend d’abord viser, à plus ou moins long terme, à l’équilibre des régimes, caisses de base et complémentaires confondues. Le paramètre démographique est le plus important. Personne ne peut nier, ni les syndicats ni la gauche, que l’espérance de vie a augmenté de manière spectaculaire pendant que le nombre d’actifs ne cessait de diminuer, pour trois raisons : vieillissement général de la population, impact du chômage et mise au rebut des actifs qui ont dépassé la cinquantaine.
Les Français commencent à comprendre.
Le premier acte juste consiste donc à mettre un terme, peut-être par des mesures contraignantes, à la manie des entreprises de licencier les plus de 55 ans, ce qui prive les régimes de cotisations et les contraignent à verser plus tôt les pensions, soit un double prélèvement sur ses réserves. Sans cette mesure esssentielle, la réforme sera vaine. Sur le chômage, l’influence de l’action politique demeure à peu près nulle. On peut espérer un retour de la croissance, on n’en a pas la garantie. Quant à la longévité des Français, les considérations financières ne sauraient en faire un malheur : c’est un très grand progrès humain dû principalement à l’efficacité du système de santé, autre source d’hémorrragie financière.
Consultés régulièrement par des enquêtes d’opinion, les Français semblent commencer à comprendre la réalité des enjeux. Mais, quelle que soit leurs convictions, quelque vertu qu’ait la taxation des « riches », quelle que soit, dans beaucoup de cas, l’aversion pour le travail, la simple logique exige que la durée de la vie active soit prolongée. La semaine de trente-cinq heures a reçu sa part de critiques. L’abaissement, de 65 ans à 60 ans, de l’âge du départ à la retraite par le premier gouvernement de Mitterrand, aura été, de ce point de vue, une autre erreur historique. Nous n’avons pas fini d’en payer le prix. Progressivement, il faudra reculer l’âge du départ à la retraite (qui, dans les faits, dépasse 61 ans) à 62, puis 65 ans au terme de la réforme (et à mesure que le temps passe).
ON NOUS PARLE DE TAXES « NOUVELLES » QUI, EN RÉALITÉ, EXISTENT DÉJÀ
Une telle mesure, loin d’être acquise si l’on en croit la positions totalement hostile des syndicats, ne suffira pas à équilibrer les régimes. Comme le montant moyen des retraites est très bas, il est impossible de diminuer par un impôt nouveau le niveau des pensions. Augmenter les taux de cotisation pose le même problème. Dans un pays où 56 % du produit intérieur brut est attribué aux dépenses collectives, peut-on augmenter la pression fiscale et compromettre la croissance en réduisant le revenu disponible des ménages ? Le gouvernement a peut-être eu tort d’écarter du financement le FRR, le Fonds de réserve des retraites créé par le gouvernement Jospin. Mais un sou est un sou. Qu’il aille directement aux régimes ou au FRR, il faut d’abord le prélever. Cette série d’impasses sur un financement pourtant indispensable conduit donc à des suggestions qui relèvent davantage d’une imagination puissante que du réalisme.
L’orchidée de la floraison d’idées, c’est la financement de la retraite par les retraités. En effet, il suffit de considérer qu’ils ont un revenu comme les actifs et qu’à ce titre, ils doivent payer des cotisations sociales, donc des cotisations sur les retraites. Cette idée contient une première injustice : les retraités paient déjà des prélèvements sociaux et des impôts. Puis une seconde : les retraites sont calculées en tenant compte du fait qu’elles ne sont pas soumises au prélèvement pour les retraites. La proposition consiste donc à augmenter les impôts des pensionnés, pas de les créer. Un « think-tank » proche du PS, Terra Nova, a même émis une géniale suggestion : comme il y a des différences marquées entre les pensionnés, comme les caisses de cadres offrent un niveau de vie plus élevé à leurs bénéficiaires, pourquoi ne pas supprimer purement et simplement le régime AGIRC (créé pour une tranche de revenus élevée) ? Ben voyons. Cela signifierait que l’État volerait aux anciens cadres actuellement retraités les cotisations lourdes qu’ils ont versées à l’AGIRC pendant 40 ans. Il faut savoir qu’ils n’ont pas eu le choix. Le prélèvement des cotisations sociales est obligatoire. Personne n’a encore le choix en France entre retraite par répartition ou retraite par capitalisation.
Conclusion : si on supprime l’AGIRC, il faut rembourser aux cotisants ce qu’ils ont déjà payé. Il faut déduire de cette somme ce qu’ils ont consommé. Je mets au défi les plus grands mathématiciens de nous faire un calcul juste. Le drapeau de la justice sociale est facile à brandir, mais le discours qui l’accompagne est mensonger. Les retraites sont déjà taxées. Les revenus du capital paient déjà un impôt de 30,10 pour cent. Beaucoup d’experts autoproclamés oublient de le dire et nous présentent de « nouvelles » recettes qui existent déjà, qu’il n’est pas question de créer, mais seulement d’augmenter.
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