« Le monde est en deuil (...). Aujourd’hui, c’est Nelson Mandela qui aura présidé les travaux de ce sommet », a lancé le président français dans un discours à l’ouverture du sommet franco-africain à Paris. Tout près du chef de l’État, une photo en pied montrait un Mandela, le poing levé et le visage souriant.
À voir la pluie d’hommages et la vague d’émotion suscitée dans tous les pays du monde par le décès dans la nuit du 5 décembre de celui que tous appelaient « Madiba », on mesure la stature acquise par l’ancien militant de lutte contre l’apartheid, emprisonné pendant 27 ans sur l’île bagne de Roben Island.
Réconciliation
À sa libération, le fondateur de la branche armée de l’African National Congress (ANC) n’aura de cesse d’œuvrer à une réconciliation nationale : « Le temps de soigner les blessures est arrivé. Le temps de combler les fossés qui nous séparent est arrivé. Le temps de construire est arrivé », affirmera lors de son investiture, en mai 1994, le premier président démocratiquement élu d’Afrique du sud. La Commission vérité et réconciliation (TRC) créée fin 1995 et présidée par l’archevêque Desmond Tutu symbolisera cet engagement pour lequel il reçoit dès 1993 le Prix Nobel de la paix qu’il partage alors avec le dernier président de l’Aparheid, Frederik De Klerk.
Lorsqu’il quitte le pouvoir en 1999, il fera de la lutte contre le sida, son ultime combat. En Afrique du Sud, le sujet était polémique et tabou. Comme l’explique Didier Fassin, médecin, sociologue et anthropologue, deux traits singuliers caractérisent la situation sud-africaine : la racialisation du débat, d’une part, et la théorie du complot qui se développe autour de l’industrie pharmaceutique et plus largement de la médecine et de la santé publique. Mandela chef d’État parle peu du sida entre 1994 et 1999 alors que l’épidémie est déjà bien présente. Mbeki qui lui succède remet en question l’existence même du virus VIH.
Là aussi Mandela fera montre d’une étonnante liberté d’esprit. Dès 2000, à la conférence internationale sur le sida à Durban, il déclare : « L’Histoire nous jugera durement si nous ne faisons rien. »
Accès gratuits aux antirétroviraux
Il se prononce en faveur de l’accès gratuit aux antirétroviraux, une prise de position radicale à un moment où le Congrès national africain au pouvoir s’oppose à leur distribution dans les hôpitaux publics. Isolé au sein de son parti, il se rend auprès d’un militant de la lutte anti-sida Zackie Achmat pour le convaincre de cesser sa « grève des médicaments ». Malade du sida, le leader de la coalition Treatment Action Campaign (TAC), refusait de se soigner tant que le gouvernement n’offrait pas l’accès aux ARV gratuits pour tous. Son attitude impressionne Nelson Mandela.
Un an plus tard, le gouvernement Mbeki approuve un programme limité d’accès aux ARV dans les hôpitaux publics. La même année. Mandela crée en 2002 sa propre fondation qui offrira les premiers ARV aux patients en Afrique du sud. Celle-ci lancera la campagne mondiale « 46664 » (en référence à son matricule de prisonnier) pour sensibiliser et récolter des fonds grâce à une série de concerts géants, avec des vedettes comme le chanteur Bono, du groupe U2.
En 2003, lors de la deuxième conférence de l’International Aids Society (IAS) à Paris, il avait devant un public très impressionné, dénoncé « le travestissement des droits de l’homme » que constitue l’inaccessibilité des traitements. « Nous devons apprendre à contrôler la maladie, a-t-il rappelé. Sinon, c’est elle qui nous contrôlera », avait-il lancé.
En janvier 2005, il montrait une nouvelle fois l’exemple en annonçant le décès à 54 ans de son fils aîné, Makgatho. « Depuis quelque temps déjà, je dis qu’il faut parler publiquement du sida et ne pas le cacher. Le seul moyen de montrer qu’il s’agit d’une maladie normale, comme la tuberculose ou le cancer, est de dire ouvertement que quelqu’un est mort du sida », avant d’ajouter : « Je vous ai convoqués ici aujourd’hui : pour annoncer que mon fils est mort du sida. »
Les obsèques de Nelson Mandela devraient se dérouler dans une dizaine de jours.
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