« MOURIR de vieillissement est un phénomène nouveau », explique Hugo Aguilaniu. Ce généticien du vieillissement, qui exerce au sein du laboratoire de biologie moléculaire de la cellule du CNRS, estime que nous n’en sommes qu’aux prémices de l’allongement de la durée de la vie, qui pourrait atteindre 150 ans. Selon lui, les centenaires, qui n’étonnent désormais plus personne, n’ont rien de très singulier. « On trouve des gens qui ont fumé quelques cigarettes par jour, mangé de la viande rouge et ont pu être exposés au même stress que ceux qui sont partis avant eux. » Hugo Aguilaniu livre une explication plus génétique de cette résistance. « En observant leur polymorphisme, on a décelé des gènes souvent surreprésentés chez les centenaires européens, chinois et japonais. » Pour l’heure, il ne s’agit que de faisceaux d’indices chez l’homme, consolidés par des études sur des vers dont les scientifiques parviennent désormais à doubler la durée de vie.
Comprendre l’ensemble de la machine.
Prolonger le fonctionnement d’un organisme n’est donc plus un mythe, mais l’explosion des neurosciences et de la connaissance du système nerveux central n’offrent pas encore de réponse thérapeutique adaptée, pour vivre plus longtemps dans les meilleures conditions. Prudent, Jean Mariani, directeur de l’Institut de la longévité du vieillissement, avance que la mouche, le ver et la souris sont de puissants outils pour comprendre des mécanismes exigeants aujourd’hui une approche génétique environnementale. « Nous ne sommes pas des sacs d’organes indépendants les uns des autres et les travaux menés pour comprendre le fonctionnement d’un seul d’entre eux ne me semblent pas satisfaisants. » Jean Mariani invite à les dépasser en s’intéressant à « cette machinerie complexe du corps dont la mort cellulaire est programmée, stimulée par des pathologies que la longévité réactive ».
Une société pour tous les âges.
Alors que la société française encouragerait cette contradiction, la sociologue Anne-Marie Guillemard déplore que la question de la dépendance ne soit abordée que sous l’angle d’une charge et qu’il ne soit question de la vieillesse que dans le cadre de réformes des retraites. « Comment va-t-on fonctionner avec une vie plus longue ? » Pour la sociologue, ces progrès scientifiques et médicaux imposent un nouveau regard sur les plus de 65 ans pour « bâtir une société pour tous les âges ». Aujourd’hui, 44 % de la population active porte 85 % de l’emploi. Élargir l’échelle des âges et repenser la gestion des ressources humaines imposent de déplacer les bornes. Elles sont déjà dépassées dans le monde du travail. Placardisation, départ anticipé, mise sur la touche, les seniors malmenés au travail n’ont souvent pour seule perspective que de calculer leurs points… de retraite. Certaines évolutions de notre société, comme les parentalités dites tardives, autour de 50 ans, doivent nous amener à poser d’autres règles, affirme Anne-Marie Guillemard. « Ces évolutions imposent d’autres stratégies sociales, permettant par exemple de faire plus tard aussi, des choix de réorientation de vie active. » La sociologue estime que la France tient « la lanterne rouge » dans ce domaine et invite à définir une politique pour l’emploi orientée sur le parcours et la mobilité professionnelle des quadras. « En s’intéressant aux futurs vieux, on prépare les vies professionnelles qui seront plus longues. Il s’agit de faire de la prévention là où les plans seniors ne proposent que des solutions d’emplois curatives, voire palliatives. »
Le vieillissement - et comment y faire - est le thème principal du numéro de mars du journal du CNRS (n°254)
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