De quels outils disposons-nous pour vivre avec le Covid ? Les images de spectateurs littéralement mis sous bulle pour profiter d’un concert sont un témoignage de l’ingéniosité déployée pour contourner les contraintes imposées par la pandémie.
En France, des modélisateurs de différents champs de recherche se sont organisés au sein de la plateforme ModCov19. Dans son laboratoire du plateau de Saclay (université de Saclay/ENS Paris), Bertrand Maury, professeur de mathématiques, a mis les compétences de son équipe en matière de mouvements de foule pour concevoir un outil d’aide à la conception d’emplois du temps scolaires permettant de limiter les brassages au sein d’un établissement.
Mesurer la résilience d'un établissement face à l’émergence d'un virus
« Contrairement à un centre commercial, où les déplacements et leur temporalité sont inconnus, les mouvements au sein d’un établissement scolaire sont programmés, on peut les modéliser », explique Bertrand Maury. À partir des déplacements d’élèves et d’enseignants, des modèles épidémiologiques classiques de type SIR (un modèle à compartiments, où les individus sains [S] peuvent devenir infectés [I] puis être guéris [R]) sont appliqués pour simuler des schémas (matrices) de contacts.
« Un scénario, comme l’apparition d’un cas dans une classe, peut être déroulé pendant huit jours par exemple et faire apparaître le nombre de personnes infectées, selon une granularité fine », précise Bertrand Maury. Le déroulement d’un grand nombre de scénarios permet de construire un « score de risques », soit l’estimation d’une « sorte de résilience de l’établissement face à l’émergence du virus », poursuit le mathématicien. Cette approche est déjà expérimentée dans plusieurs rectorats (académies de Versailles, Créteil, Grenoble).
L’outil est également adaptable à d’autres situations ou espaces. L’équipe de Bertrand Maury est ainsi intégrée à un projet britannique mené dans 32 établissements pour personnes âgées du Royaume-Uni. Les résidents sont équipés de bracelets comportant des capteurs mesurant les contacts en temps réel. « Le déploiement de notre approche y est possible car ces établissements constituent un milieu très programmé (soins, repas), tout comme les prisons », souligne Bertrand Maury.
Le mathématicien travaille également sur une évaluation simple de la qualité de la ventilation et du besoin d’aération d’un espace, par la mesure de la concentration du dioxyde de carbone. « Les gouttelettes et aérosols se comportent comme le dioxyde de carbone et ont la même source d’émissions, explique Bertrand Maury. Mesurer le CO2, c’est mesurer la quantité d’aérosols et la probabilité de contagion ». Une première série de mesures a déjà été menée dans les amphithéâtres de l’université de Saclay.
Mieux suivre l'épidémie pour mieux allouer les ressources
Issu du monde de l’économie, Patrick Pintus, professeur à Aix-Marseille Université et directeur adjoint scientifique de l’Institut des sciences humaines et sociales du CNRS, a développé, avec son équipe, un indicateur de suivi de l’épidémie, permettant de déterminer l’évolution du nombre de cas par rapport à l’augmentation du nombre de tests réalisés. « Ce n’est pas la même chose de dire que l’incidence augmente si le nombre de tests est constant au cours du temps ou s’il varie », explique le chercheur.
L’indicateur offre ainsi une vision plus fine de l’évolution épidémique. Dans une prépublication, l’équipe de recherche démontre l’efficacité de l’outil pour caractériser les effets du confinement et du couvre-feu sur la circulation virale. « Nous avons notamment pu observer un effet différencié du couvre-feu selon l’âge, avec un impact plus important chez les plus de 65 ans », souligne Patrick Pintus.
Une autre prépublication s’est attachée à démontrer le lien avec le taux de reproduction. « En septembre, la situation apparaissait contradictoire aux yeux des épidémiologistes : le R effectif baissait alors que le taux de positivité augmentait. On sait maintenant que c’était une période d’accélération de l’épidémie. Grâce à notre indicateur, nous n’étions pas surpris : les données nous montraient bien une augmentation de l’accélération depuis l’été », détaille Patrick Pintus.
Selon lui, l’indicateur, déclinable par niveau géographique ou par classe d’âge, pourrait permettre d’allouer les tests selon les zones d’accélération de l’épidémie. L’équipe imagine déjà utiliser son outil pour identifier les évènements supercontaminateurs. « Dans la perspective de tuer dans l’œuf une future épidémie, l’idée serait de pouvoir identifier précocement ces événements », poursuit-il.
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