Sur le site Internet de l'hôpital, les pages n'ont pas encore été toutes actualisées. Ça et là, le service s'appelle encore « Urgences pour femmes victimes d'agression sexuelle ». Pourtant, depuis tout juste un an, et pour la première fois, des hommes poussent la discrète porte de cette unité unique en Suède, au deuxième étage du Södersjukhuset, le grand hôpital du sud de Stockholm.
Une petite révolution initiée en 2014, lorsque le comté de Stockholm (2,2 millions d'habitants) prend conscience de l'absence de lieu de prise en charge spécifique pour les victimes masculines de violences sexuelles. Il y a urgence : ne sachant pas où demander de l'aide, ces victimes n'en demandent pas, ou presque. Une enquête auprès des hôpitaux montre ainsi qu'en 2014, moins d'une vingtaine d'hommes sur tout le comté se sont présentés après une agression sexuelle. Pour porter ce projet crédité d'une enveloppe de 1,5 million de couronnes (environ 160 000 euros), un candidat naturel s'est imposé : le Södersjukhuset, siège du plus grand service d'urgence de Scandinavie (90 000 visites par an), et pionnier dans ce domaine. Depuis 2005, il dispose en effet de la seule unité d'urgence exclusivement réservée aux victimes de violences sexuelles (femmes) du pays. Chaque année, près de 600 femmes de 13 ans ou plus y sont accueillies. « Pour nous, l'enjeu n'était pas tant d'être capable d'accueillir des hommes que d'accueillir tout le monde, sans distinction de sexe ni de genre », explique le Dr Anna Tiihonen Möller, médecin gynécologue et directrice adjointe du service, soucieuse de ne pas laisser les personnes transsexuelles de côté.
Une formation adaptée
Il a d'abord été nécessaire d'étoffer l'équipe, rejointe par une infirmière supplémentaire, ainsi qu'une psychothérapeute. Le service tourne aujourd'hui avec deux infirmières 24h/24, ainsi qu'un médecin de jour. Les nuits, deux médecins des urgences générales sont mobilisables en cas de besoin. Il a aussi fallu se former. Sollicité, l'institut Karolinska, la prestigieuse université de médecine de Stockholm, a conçu pour le personnel un parcours de formation adapté, comprenant notamment un module sur les sexualités LGBT. Un an après leur ouverture à tous, en octobre 2015, les urgences pour victimes d'agression sexuelle affichent un bilan positif. « Avec plus de 35 hommes au cours des 12 premiers mois, nous avons déjà amélioré le nombre de ces victimes prises en charge à l'échelle du comté », souligne le Dr Tiihonen Möller, persuadée que le nombre des visites ne fera qu'augmenter. Autre motif de satisfaction : « Les autres hôpitaux et les commissariats ont désormais le réflexe d'orienter les victimes vers nous ».
Sentiment de honte et de culpabilité
Homme ou femme, la prise en charge est identique, contraception exceptée : examen médico-légal, médical, tests VIH/hépatites/syphilis, consultation psy, ... Les victimes, qui se présentent le plus souvent les jours suivants l'agression, passent deux à trois heures dans le service, et sont invités à revenir deux semaines plus tard pour les résultats des tests et un check-up médical et psy. Toutefois, hommes et femmes ne sont pas tout à fait égaux face à l'agression sexuelle : les premiers ont beaucoup plus de mal à demander de l'aide, et sont souvent psychologiquement plus abîmés encore que les secondes. « Le sentiment de honte et de culpabilité est exacerbé chez les hommes, et les troubles post-traumatiques plus puissants », note ainsi la chef du service. Le résultat d'un vieux tabou : « En 2016, on continue de penser qu'un homme ne peut pas être violé. Dans l'imaginaire collectif, un homme, ça va aux urgences parce qu'il s'est battu, ivre, à la sortie d'un bar. Pas parce qu'il a été violé », dit Anna Tiihonen Möller. Des 35 cas traités depuis octobre dernier, tous moins un relevaient d'une agression par un autre homme.
Des médecins démunis
Quid de la profession ? « Même si la Suède est plutôt bonne élève, il y a encore des efforts à faire », répond Julia Matthis, thérapeute auprès de Hopp, organisation de soutien psychologique aux victimes. Moins qu'un tabou, celle-ci évoque un manque de réflexe et des médecins démunis face à des victimes hommes qui ne verbalisent pas. « J'ai parmi mes patients des hommes en quête d'aide qui sont allés jusqu'en salle d'attente, mais en sont repartis faute d'avoir su trouver les mots et un interlocuteur capable de déceler le motif de leur présence ». « Il faut davantage de formation », martèle-t-elle, et, surtout, « d'autres services tels que celui du Södersjukhuset un peu partout en Suède ».
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