Les membres de la réserve sanitaire de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences Sanitaires (EPRUS) reviennent d’une mission de support en Guinée. Parmi eux, le Dr Blandine Binachon était chargée plus particulièrement de répondre aux questions que se posent les populations locales sur l’épidémie d’Ebola qui fait rage dans l’ouest de l’Afrique.
Quelle a été la mission de l’EPRUS sur le théâtre guinéen ?
Notre équipe était composée de cinq experts déployés uniquement à Conakry : un logisticien chargé de travailler sur la gestion et la redistribution du matériel, un médecin infectiologue travaillant sur la prise en charge des patients, un médecin de santé publique expert dans les procédures de désinfection et de gestion des corps, sans oublier notre chef de mission. Nous nous sommes coordonnés pour cela avec le Dr Sakoba Keita, chef de la division de prévention et de lutte contre la maladie Ebola et coordinateur national de la cellule de riposte contre Ebola mise en place par le gouvernement.
Quel fut votre rôle en particulier ?
Je suis épidémiologiste, et ai travaillé auprès des équipes du 115, un numéro vert disponible depuis le début de l’épidémie pour donner le maximum d’informations aux habitants. C’est également un numéro d’alerte consulté par des gens qui pensent avoir un malade dans leur famille. J’ai formé les personnes qui répondent et doivent évaluer, en fonction des symptômes, s’il s’agit d’un cas d’alerte. Si les signes correspondent, une équipe est envoyée pour une confirmation de visu. Une réaction est alors enclenchée par le régulateur du 115.
Si la personne est vivante, elle est orientée vers un centre de traitement, sinon, des équipes sont chargées de procéder à l’enterrement de la manière la plus sécurisée possible. Nous avons aussi développé un volet information, qui est très important, et une procédure de sensibilisation qui peut prendre plusieurs heures : c’est difficile de communiquer avec l’entourage des malades pour leur expliquer simplement ce qu’il se passe.
Quelle est la particularité de cette opération pour l’Eprus ?
J’ai déjà participé à des missions humanitaires en Asie du Sud-Est. La principale différence est que nous devons prendre le temps d’analyser ce qui se passe malgré l’urgence de la situation. Il y a énormément d’acteurs différents sur le terrain et d’informations à assimiler en permanence, ce qui rend assez difficile la coordination. Ce que nous espérons, c’est que l’organisation que nous avons mise en place perdure efficacement jusqu’à la fin de l’épidémie, et que l’expérience transmise aux acteurs locaux puisse être rapidement activée si une autre épidémie devait faire son apparition. La réaction, lors de cette épidémie a été vraiment trop lente.
On a beaucoup parlé d’un manque de coopération de la population locale*. Est-ce aussi votre constat ?
La situation est très différente à Conakry et dans les autres préfectures. Dans la capitale, des affiches ont été placardées dans toutes les rues pour inciter à appeler le 115. Il y a aussi beaucoup de messages à la télévision. Je pense donc que le niveau d’information y est plus important. Le plus important est aussi de former des gens bien identifiés au sein de la communauté. On entend dire qu’Ebola n’existe pas, qu’il s’agit d’une maladie amenée par les Blancs, mais il est difficile d’évaluer si ces croyances sont partagées par une large part de la population. Nous répondons à cette méfiance en conseillant d’aller voir ce qu’il se passe au centre de traitement de Donka. Ils y voient alors des malades et n’ont plus de doute sur l’existence de l’épidémie.
D’après ce que vous avez pu voir là-bas, où en est l’épidémie guinéenne ?
Elle est toujours active à Conakry, nous avons des nouveaux cas chaque semaine : entre 10 ou 11 nouveaux cas, confirmés pour la plupart, rien que la semaine dernière. Cela fait pas mal de temps que Médecin sans Frontières affirme être débordée et je pense effectivement qu’ils arrivent à la limite de leurs capacités, compte tenu du nombre de cas contacts potentiels qu’ils doivent isoler pour chaque nouveau cas.
* Huit membres d’une délégation guinéenne partie dans le sud du pays, à Womey, pour mener une mission de sensibilisation sur l’épidémie sont décédés à la suite d’émeutes. Parmi eux, le directeur préfectoral de la santé de N’Zérékoré, le directeur adjoint de l’hôpital régional de N’Zérékoré et le chef du centre de santé de Womey.
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