« Il faut décrire les choses comme elles sont : Ebola est une maladie négligée, et il faut espérer que la médiatisation actuelle serve au moins à ce que l’on investisse plus d’argent dans la recherche. »
Lors d’un point presse organisé le 10 septembre à l’occasion du symposium regroupant les 32 établissements du réseau international des Instituts Pasteur, le président de l’Institut Pasteur, le Pr Christian Bréchot, a dressé la liste des domaines où des efforts de recherche sont souhaitables : « Nous manquons de tests diagnostiques ! Ceux basés sur les charges virales ne suffisent pas. Il faut des tests sérologiques qui permettent de repérer les patients exposés au virus, et pas seulement les malades. Il faut également des marqueurs précoces qui indiquent si le patient va souffrir d’une forme grave de la maladie ou pas. »
Un besoin de nouveaux tests
Sylvain Baize, responsable du centre national de référence des fièvres hémorragiques virales, à Lyon confirme ce constat : « Ce qui fait défaut, c’est un outil diagnostic utilisable au lit du patient, qui ne nécessite pas l’envoi d’un échantillon dans un laboratoire spécialisé, et qui soit fiable. Avec Ebola, on ne peut pas se permettre comme avec d’autres pathologies d’avoir des faux négatifs. »
La semaine dernière, l’Organisation mondiale de la santé a donné son feu vert à l’utilisation de sérum de convalescent et aux transfusions sanguines.
Elle a également annoncé le lancement d’essais de phase I sur les deux vaccins les plus avancés dans leur développement : VSV-EBO et ChAd-EBO. L’Institut Pasteur de Paris va être impliqué dans ces essais. Selon le Dr Arnaud Fontanet, responsable de l’unité d’Épidémiologie des maladies émergentes, « notre rôle est d’accompagner ces recherches avec un suivi virologique des personnels impliqués dans ces essais ».
Rapprocher la recherche du terrain
Christian Brechot a également annoncé qu’une première mission exploratoire était en cours, en vue de la possible implantation d’un institut Pasteur en Guinée. « Nous ne sommes qu’au tout début du processus, le conseil d’administration n’a pas encore rien approuvé, mais nous pensons qu’il faut transférer un certain nombre de recherches sur le virus là où il sévit. »
Sur le terrain, l’Institut Pasteur de Dakar est le principal pourvoyeur de diagnostic en Guinée. « Nous avons été appelés par le gouvernement guinéen au mois de mars, car aucune structure n’avait la possibilité de faire un diagnostic », rappelle le Dr Amadou Sall, responsable de l’unité Arbovirus et virus de fièvres hémorragiques de l’Institut Pasteur de Dakar.
« Dans notre centre de traitement de l’hôpital de Donka, à Conakry, trois membres de Pasteur Dakar et trois autres de Pasteur Paris assurent la continuité des diagnostics et la formation de personnel qualifié sur place ». Cette épidémie a été l’occasion de déployer pour la première fois le laboratoire mobile européen. Installé à Guéckédou, 900 échantillons y ont été testés à ce jour.
L’effort international gêné par les fermetures de frontières
Malgré le nombre grandissant de cas contacts et de tests nécessaires, le Dr Amadou Sall estime que les capacités de diagnostic ne sont pas encore débordées : « On a la chance d’avoir encore des réserves de personnel à mobiliser. La task force formée par l’ensemble des instituts Pasteur nous fournit une longue liste de volontaires sur lesquels on peut s’appuyer », a-t-il expliqué au « Quotidien du Médecin ».
Cet effort international pourrait cependant être gêné par les fermetures des frontières et des lignes aériennes. « Des discussions sont en cours afin d’ouvrir des corridors humanitaires pour les organisations internationales, précise Amadou Sall. Les fermetures de frontières ne font que retarder des choses plus ou moins inévitables et ont un impact sur les économies de ces pays », juge pour sa par Arnaud Fontanet.
Panique au Libéria
Si l’épidémie montre des signes d’essoufflement à confirmer en Guinée, ce n’est pas le cas au Sierra Leone et Liberia, qui a connu à lui seul 1 224 des 2 288 décès comptabilisés à la date du 6 septembre. Le pays connaît un vent de panique à tel point le ministre libérien de la défense Brownie Samukai, n’a pas hésité à déclarer en début de semaine que « l’existence du Liberia est gravement menacée ». En ce qui concerne le cas isolé au Sénégal, Amadou Sall s’est voulu rassurant : « Il n’y a à ce jour qu’un seul cas identifié, et tous les cas contacts sont isolés et investigués. »
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