L’urgentiste de Bayonne Nicolas Bonnemaison, 53 ans, comparaît du 11 au 27 juin devant la Cour d’assises des Pyrénées-Atlantiques à Pau, pour l’empoisonnement de sept patients en fin de vie, cinq femmes, et deux hommes, entre mars 2010 et juillet 2011, dans l’unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) du service des urgences de l’hôpital de Bayonne, où il exerçait depuis 2004.
Dénoncé en août 2011 par des infirmières et une aide-soignante, le Dr Bonnemaison a toujours assumé ses actes sans les revendiquer, destinés, selon lui, à « mettre fin à des souffrances extrêmes ». Réfutant l’étiquette de « militant de l’euthanasie », l’urgentiste dit « avoir sa conscience pour lui ». « Il a toujours expliqué avec franchise et honnêteté ce qui s’est passé. Il est tenaillé par la crainte de ne pas être compris », a indiqué son avocat Me Arnaud Dupin.
Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité
D’après l’enquête, le Dr Bonnemaison aurait utilisé l’Hypnovel, un psychotrope, et au moins une fois le Norcuron, à base de curare, utilisé en anesthésie. Aucune famille n’a porté plainte. Une s’est néanmoins portée partie civile, se disant choquée par un pari que l’urgentiste aurait fait, au sein de son service, sur l’espérance de vie de sa patiente, âgée de 86 ans. Il devrait être jugé par un jury populaire, quelque 70 témoins devraient être entendus. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
L’urgentiste a été suspendu en 2011 et radié définitivement de l’Ordre national des médecins en avril 2014. Dans ses attendus, la chambre disciplinaire nationale rappelle que le Dr Bonnemaison ne conteste pas les faits et que « ces manquements sont donc définitivement acquis ». Elle rappelle également que « les poursuites pénales et disciplinaires engagées contre un médecin sont indépendantes, et que le juge disciplinaire n’est pas tenu d’attendre la décision du juge pénal pour statuer ». Elle cite enfin l’article R 4 127-38 du code de la Santé publique qui stipule que le médecin « n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort ». Le Dr Bonnemaison a reçu le soutien de 250 praticiens, qui ont écrit une lettre ouverte à François Hollande ; une pétition en sa faveur a recueilli 60 000 signatures.
Discussions autour d’une révision de la loi Leonetti
L’ouverture de ce procès aux assises intervient sur fond de débat sur la loi Leonetti. Depuis la proposition de François Hollande en février 2012, que « toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité », plusieurs rapports se sont succédé, émanant du Pr Didier Sicard, de l’Ordre des médecins, ou encore du Comité consultatif national d’éthique, sur l’opportunité de réformer - et jusqu’où - la loi de 2005. Une loi était annoncée avant l’été 2014.
En outre, le sort de Vincent Lambert, jeune infirmier en état pauci-relationnel depuis 2008, qui a fait couler beaucoup d’encre, doit être tranché ce mois de juin par le Conseil d’État, après une nouvelle expertise médicale.
L’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) demande la formalisation de la proposition 21 du candidat Hollande, et salue le vote favorable au Québec le 5 juin d’une loi relative à la fin de vie, avec un accès universel aux soins palliatifs, le recours à la sédation terminale et une aide active à mourir.
Enfin, la société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), attachée à la loi Leonetti, et défavorable à l’euthanasie active, revient sur son site internet, en écho avec le procès Bonnemaison, sur les principes de la sédation et sur les médicaments en cause (Hypnovel et curares).
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