La prise en charge des personnes considérées par la justice comme « radicalisées » est de nature à porter atteinte à leurs droits fondamentaux, dénonce la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) Adeline Hazan, dans un rapport (le troisième sur le sujet), publié ce 10 juin.
Après une première période où la doctrine était au regroupement des personnes concernées par la radicalisation islamique (jusqu'en 2016) dans des unités dédiées (UD), le système actuel est mixte, « ni regroupement, ni dispersion », observe le CGLPL. Ses services se sont intéressés à l’ensemble des établissements pénitentiaires, et non seulement à ceux qui possèdent des quartiers spécifiques réservés à l’évaluation (QER, 6 en France), des quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR, 2 en France), ou encore qui accueillent des programmes de prévention de la radicalisation violente (PPRV, 80).
Création d'une catégorie spécifique aux contours flous
« Les dispositifs ont évolué mais au fond les critiques restent les mêmes. C'est beaucoup plus un outil de gestion de la détention qu'un moyen de prendre en charge la radicalisation », commente la contrôleure générale Adeline Hazan.
Ses premiers reproches portent sur « la création d'une catégorie spécifique, selon des contours ambigus». Elle concerne un peu moins de 1 500 détenus et englobe à la fois les personnes incarcérées (condamnées ou en attente de jugement) pour des faits de terrorisme, appelés « TIS » (terroristes islamistes) par l'administration, et les prisonniers de droit commun suspectés de radicalisation, les « DCSR ». Ces derniers ne sont pas informés de leur statut.
Problèmes éthiques et déontologiques dans l'évaluation
Le CGLPL épingle ensuite le dispositif d'évaluation, qu'il juge « imprécis » et dont les résultats sont occultes. Près de 400 personnes détenues pour des faits liés à des actes terroristes (TIS ou DCSR) sont passées par ces QER, depuis le début de leur mise en place en 2015. L'objectif est d’évaluer l’existence d’un risque de « passage à l’acte violent fondé sur un motif extrémiste religieux, ainsi que d’un niveau de radicalité, d’imprégnation religieuse et d’influence pour savoir quel est le risque de nuisance en détention ordinaire ». Ces évaluations sont notamment conduites par un binôme composé d'un éducateur spécialisé et d'un psychologue.
Or « plusieurs psychologues rencontrés ont fait part de leur profond malaise sur leur rôle » notamment lorsqu'on leur demande de communiquer des éléments qui relèvent de la vie privée de la personne ou de partager des observations avec le représentant du renseignement pénitentiaire, indique le rapport. Ils doivent aussi se prononcer sur la question du risque de passage à l’acte violent. « Moi, je ne sais pas quoi écrire sur ce sujet, déplore un professionnel. En vérité, je n’en sais rien. Je ne fais pas de prédictions », lit-on. Une déclaration qui rejoint le souci des psychiatres de ne pas être instrumentalisés à des fins sécuritaires, et les lancinantes problématiques autour du secret médical en prison.
Le CGLPL n'épargne pas les professionnels, regrettant que certains « avancent masqués » auprès de certains détenus, les DCSR.
Désaccords et pressions entre professionnels
Après la méthode, le contrôleur critique la qualité des évaluations rendues. « Il n’est pas rare que des désaccords surgissent, tant sur la perception de la personne que sur la préconisation finale (...) Il a parfois été fait état de réécritures ou de pressions sur des professionnels pour qu’ils modifient leurs écrits dans le but de tenter de parvenir à un consensus. La pluridisciplinarité tant invoquée est alors perçue comme un leurre. ».
Or l'enjeu n'est pas mince, puisque c'est cette synthèse qui sert de base à l'affectation de la personne en détention ordinaire, à l'isolement ou dans un quartier de prise en charge de la radicalisation (QPR). « Les contrôleurs ont ponctuellement noté un important décalage entre les préconisations faites et la décision finale d’affectation, portant notamment atteinte au droit au maintien des liens familiaux », note-t-on.
En conclusion, le CGLPL appelle à respecter la déontologie des catégories de professionnels intervenant dans les dispositifs. Plus largement, il invite à revoir l'organisation de la prise ne charge des personnes dites « radicalisées », en garantissant la transparence des affectations dans les régimes, en assurant des conditions de détention personnalisées, et en développant des programmes efficients de prévention de la radicalisation violente .
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