C’est un constat alarmant que dresse le premier baromètre de la Macif, réalisé avec l’Ipsos sur « les addictions et leurs conséquences chez les jeunes ». Menée auprès de 3 500 jeunes de 16 à 30 ans, en pleine crise sanitaire (du 17 au 30 mars), cette enquête, qui sera renouvelée dans les prochains mois, révèle des niveaux de consommations « inquiétants », avec une tendance « forte » à la poly-consommation, mais surtout une perception « minorée des risques », observe Adeline Merceron, responsable de l’activité santé de l’Ipsos, lors d'un point presse.
L’alcool reste la substance la plus consommée : 84 % des 16-30 ans interrogés déclarent en avoir consommé ou avoir déjà essayé (50 % déclarent une consommation régulière, au moins une fois par mois). Elle est suivie par le tabac (56 % ont déjà essayé, 25 % fument régulièrement et 17 % quotidiennement) et le cannabis (36 % d'expérimentateurs, 10 % de fumeurs réguliers et 8 % de quotidiens).
Une consommation régulière corrélée à l'utilisation des écrans interactifs
Plus inquiétant, 14 % déclarent avoir consommé ou avoir déjà essayé l’ecstasy, la MDMA, le GHB, le poppers, le protoxyde d’azote et le LSD (dont 5 % consomment régulièrement), 11 % la cocaïne et le crack et 8 % de l’héroïne (5 % de consommateurs réguliers). Par ailleurs, 41 % déclarent passer plus de 6 heures par jour devant les écrans interactifs.
Ces consommations sont clivées selon le genre : les hommes consomment plus que les femmes avec « une multiplication par deux ou trois » des consommations déclarées, souligne Adeline Merceron. L’écart est plus marqué pour le cannabis avec 14 % d’hommes consommateurs contre 5 % de femmes.
Les consommations sont souvent multiples. L’association alcool et tabac est la plus fréquente, mais les consommateurs de cannabis déclarent également un recours à d’autres substances : l’alcool (81 %), le tabac (86 %), la cocaïne et le crack (38 %), l’héroïne (40 %), l’ecstasy, la MDMA, le GHB et le protoxyde d’azote (42 %).
Chez les consommateurs réguliers de cocaïne, de crack, d’héroïne, d’ecstasy, de MDMA, de GHB, de poppers, de protoxyde d’azote et/ou de LSD, la consommation régulière d’autres substances est extrêmement élevée et concerne « une écrasante majorité des jeunes interrogés ». Autre fait marquant, « toute consommation régulière d’une substance est corrélée à une utilisation des écrans interactifs significative », est-il relevé.
L'« effet d’entraînement » des consommations collectives
L’enquête met également en évidence les contextes propices à la consommation. L’alcool et le cannabis sont ainsi surtout consommés collectivement, tandis que les écrans sont utilisés de manière principalement individuelle. La vie en couple, en colocation ou en résidence universitaire produit par ailleurs un « effet d’entraînement », observe Adeline Merceron. Exemple frappant, la proportion de consommateurs réguliers d’héroïne s’élève ainsi à 2 % des jeunes vivant chez leurs parents et à 12 % chez ceux vivant en colocation. Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien, membre de la Fédération Addiction, pointe ainsi une dimension sociale des consommations (appartenance à une communauté) qui s’ajoute à une dimension fonctionnelle (satisfaction d’un besoin).
Malgré les niveaux de consommation observés, la perception du risque associé aux substances est altérée : les risques semblent minorés, voire niés parmi les consommateurs. Dans le cas de l’héroïne par exemple, les non-consommateurs lui attribuent un niveau de risque de 9,2/10, alors que les consommateurs réguliers évaluent le risque à seulement 6,6/10, un niveau de risque égal à celui associé au tabac.
Cet écart de perception entre consommateurs et non-consommateurs se retrouve pour toutes les substances : 9,2 contre 6,2 pour la cocaïne et le crack, 8,3 contre 5,3 pour le cannabis et 7,8 contre 6 pour le tabac. La perception du risque est influencée par un « biais cognitif », analyse Jean-Pierre Couteron, portant l’attention sur l’effet immédiat plutôt que sur les conséquences tardives sur la santé.
Une banalisation de l'alcool et des écrans
L’alcool et les écrans bénéficient en revanche d’un niveau de risque perçu « beaucoup plus faible », à 5,2/10 et 6,5/10 respectivement, signe d’une certaine banalisation. « Certaines consommations sont dans la culture française », remarque Fanny Sarkissian, chargée de mission innovation sociale de la FAGE (Fédération des Associations Générales Étudiantes), pointant également un « biais social » par lequel la consommation collective favorise la minoration des risques.
Dans ce contexte, les actions de prévention peinent à convaincre. Si 76 % des jeunes interrogés ont déjà été exposés à un message d’information et de sensibilisation au moins une fois au cours des 12 derniers mois, seuls 59 % d’entre eux déclarent avoir été convaincus et 58 % ont pris conscience de certains dangers.
Privilégier une logique de prévention de pair à pair
Ces résultats interrogent sur les pratiques et discours de prévention. « Le message prodigué par un vieux professeur ne fonctionne pas », constate Jean-Pierre Couteron, insistant sur la nécessité d’agir sur le contexte et de proposer des alternatives aux consommations. Une recommandation partagée par la représentante de la FAGE pour qui une stratégie de prévention doit inclure une « lutte contre l’isolement social, la précarité, l’échec scolaire, etc. », dans l’optique d’un « traitement de long terme » des problématiques.
Fanny Sarkissian plaide ainsi pour une « logique de pair à pair ». C’est le créneau choisi par la Macif qui a lancé une campagne sur les réseaux sociaux afin d’atteindre les jeunes. L’assureur a ainsi laissé carte blanche à un influenceur, Ludovik, pour créer un concept de vidéos porteuses de messages de prévention. « On casse les codes pour aller sur le terrain de la jeunesse », explique Emmanuel Petit, directeur de la prévention à la Macif.
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