LE QUOTIDIEN DES LECTEURS

Fête des mères à l’hôpital, un témoin de l’humanomètre*

Publié le 28/06/2012
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Montauban (82)

Dr Jean-Louis Payen

Vendredi 1er juin 2012, nous recevons dans le pôle médico-chirurgical de notre hôpital Madame Eliette M., une vieille dame de 79 ans, pour des rectorragies. Elle vient de son domicile où elle vit avec sa famille, notamment sa fille et sa petite-fille. Cette mère et grand-mère est atteinte d’une démence fronto-temporale qui la rend mutique et grabataire. Chaque jour de la semaine, se relaient auprès d’elle infirmières et auxiliaires de vie pour seconder sa famille, soutien toutefois allégé le week-end.

Ces professionnels de santé auraient constaté au début de la semaine des traces de sang dans ses selles. La fille de Madame M., rapidement alertée, organise donc le vendredi une hospitalisation via les urgences.

Lors de son arrivée au centre hospitalier, le médecin urgentiste ne constatant rien d’inquiétant a rapidement transféré la patiente dans les lits du secteur de gastro-entérologie. Nous la prenons donc en charge dans la matinée.

L’examen clinique objective surtout des symptômes en rapport avec sa maladie neurologique : mutisme, totale dépendance ; nous constatons des selles normales et l’examen proctologique ne révèle aucune anomalie, l’hémodynamique est parfaite et nous n’observons aucune déglobulisation. Nous appelons alors la fille de Madame M. en cette veille de week-end et avant-veille de Fête des Mères.

« - Bonjour Madame, je suis le gastroentérologue de l’hôpital qui a accueilli votre maman ; rassurez-vous elle va relativement bien. Avez-vous constaté personnellement du sang dans ses selles ces derniers jours ?

- Bonjour Docteur, en fait ce sont les auxiliaires de vie qui me l’ont signalé, on peut leur faire confiance je suppose ?

- Certes, Madame, mais depuis qu’elle est à l’hôpital, nous n’avons pas noté de sang dans ses protections et par ailleurs mon examen de la région anale est strictement normal.

- De toute façon, Docteur, si elle devait revenir chez elle, il faudrait nous prévenir bien à l’avance.

- Qu’entendez-vous par là ?

- Et bien, il faudrait que je sois tenu informée au moins deux jours avant sa sortie pour m’organiser. Sachez que je suis fleuriste, or ce week-end, c’est la Fête des Mères, pour nous se sont les deux jours les plus chargés de l’année, ma fille va m’aider pour assurer la surcharge de travail, vous comprenez docteur !

- Je comprends qu’il serait préférable que votre maman rentre chez elle lundi peut-être ?

- Je crois que vous avez bien compris docteur.

- Mais madame, votre mère ne justifie pas de rester en ce jour de Fête des Mères à l’hôpital.

- Ne pensez-vous pas qu’une surveillance de 48 heures serait tout de même justifiée docteur ? »

En accord avec l’équipe paramédicale nous décidons de garder hospitalisée Madame M. et d’organiser son retour à domicile le lundi. Ainsi laissons-nous la fille de Madame M. vaquer à ses obligations professionnelles.

En quittant le service j’allais rendre une dernière visite à notre vieille dame avant le week-end, la situation clinique était inchangée. Je saluais l’infirmière de l’équipe du soir ; elle évoqua alors l’idée d’acheter un bouquet de fleurs pour le porter à cette vieille dame, le dimanche, jour de la Fête des Mères ; encore fallait-il choisir le fleuriste, le hasard aurait pu nous conduire dans la boutique de la fille de Madame M. dont on pouvait supposer qu’elle était bien occupée en cette veille d’un week-end si crucial à ses yeux.

Je mesurais dans cette proposition « l’humanomètre* » de cette infirmière d’expérience qui avait suggéré cette démarche bienveillante, soignante dévouée dont nous connaissions tous la grande intelligence du cœur.

Et pourtant, nous décidâmes de n’en rien faire, admettant fort justement qu’il ne s’agissait pas de notre maman.

* Voir pour l’humanomètre le livre : « Enfants cobayes en 42, créateurs de l’humanomètre ». Éditions des rosiers, Sèvres 2012.

Lettre à Marisol Touraine

Montataire (60)

Dr Jean-Paul Azuelos

Bonjour Madame la Ministre,

Cette lettre de la part d’un généraliste (20 années de bons et loyaux services) qui, à 52 ans, a tourné la page. Un généraliste qui a dévissé sa plaque car, d’années en années, aucun politique n’a su me permettre de continuer ce métier sans entraves, paperasserie, objectifs laborieusement subjectifs d’une médecine libérale dirigée (syndicats, Ordre…) par des souffreteux pusillanimes nombrilistes.

La lecture, dans « le Quotidien du Médecin » du 25 juin, du compte rendu de votre discours de clôture du congrès de médecine générale m’a fait penser, malheureusement, à tant d’années de palabres.

J’ai une solution : on continue le numerus clausus (ce métier est très difficile car long et au bout de 10 ans on n’est pas sûr de le faire bien !) ; on salarie les médecins – c’est l’arrêt de la médecine dite « libérale » – pour, en moyenne, 7 000 à 9 000 euros nets par mois (l’équivalent de 25 patients par jour à 25 euros sur 5 jours) avec des congés payés, des remplaçants assurés, des étudiants systématiques pour nous aider et leur apprendre le métier (sans passer par les obstacles pour devenir maître de stage – j’ai essayé ; j’ai abandonné) ; on règle les objectifs de prévention médicale selon les critères de recommandations – HAS, etc. ; on « élimine » les mauvais médecins « jemenfoutistes » car leurs objectifs ne seront pas atteints (il y aura bien un énarque qui trouva de bons critères de surveillance pour cela) ; on impose les formations et FMC « non financées par les labos » ; les arrêts de travail et autres complaisances sont donnés de façon très limitée et uniquement si nécessaire ; on ne prescrit que les médicaments les moins chers, les plus utiles (recos…) ; on s’allie de conseils des confrères sans risques de concurrence ; on reste empathique avec nos patients, libre de nos choix thérapeutiques, dans les cadres de la science médicale actuelle... Grâce à quoi on est moins fatigué et on fait pleins de millions – voire de milliards – d’économie. Osons !

Merci pour votre lecture

Signé : un médecin généraliste gériatre soins palliatifs, salarié dans une clinique privée, secteur I, 12 à 15 heures bien rémunérées de travail par jour, et heureux de faire ce travail sans entrave.

Bercy, l’esthétique et la TVA

Paris (75)

Dr Serge Plot

Le projet de Bercy qui prévoit de soumettre à la TVA les actes de chirurgie et de médecine esthétique relance un vieux débat qui avait occupé un chapitre entier du livre que j’avais fait paraître en 1988 (« Réussir sa beauté  »).

En effet, les actes de médecine ou de chirurgie ne s’adressent pas à des malades à proprement parler. Ils concernent  : « des hommes ou des femmes en parfaite santé physique qui souhaitent modifier volontairement leur apparence et leur image, afin d’être en harmonie avec eux-mêmes et leur entourage ». « [L’esthétique] part d’une normalité pas toujours "bien vécue" pour aller vers un nouvel équilibre lié à l’idée forcément subjective que l’on se fait de la beauté. Elle tend à la recherche d’un équilibre harmonieux entre la conscience de soi et l’image de son corps. L’intervention est demandée par le seul patient. »

Aux patients, il faut reconnaître un certain courage. Ils ne craignent pas d’affronter le « bistouri  » pour une amélioration de leur image alors qu’ils sont en parfaite santé. Bien sûr, ils en attendent une transformation psychologique que d’aucuns aimeraient assimiler à un acte thérapeutique éventuellement pris en charge par la Sécurité sociale ! Mais alors, il faudrait aussi mesurer le bien-être ressenti par ceux qui fréquentent comme « cantine  » Lasserre ou prennent leur congé payé dans un paradis exotique !

Je me souviens que le regretté Dr Léon Pérel, en fondant en 1968 la Société française de chirurgie esthétique, avait mis un point d’honneur à ce que le terme d’« esthétique  » soit vraiment un terme médical et à l’époque, il se heurta au refus quasi général du corps médical qui ne reconnaissait pas le concept classique de guérison. Les choses changèrent beaucoup par la suite, notamment au moment de la création du diplôme de Chirurgie plastique et reconstructrice, auquel devait être adjoint par la suite « et esthétique  ».

L’administration fiscale remet maintenant tout en cause. Et c’est l’absence de but thérapeutique de tels actes qui a fait prendre conscience que finalement, ce n’était pas de la médecine. La Sécurité sociale s’en était rendu compte depuis longtemps puisque, par exemple, les arrêts de travail, suite à une intervention de chirurgie esthétique, n’étaient pas pris en charge – ce qui peut sembler normal, encore que l’arrêt de travail ne se justifie que par l’impossibilité de travailler pour raison de santé (il n’est pourtant pas facile de reprendre le travail le lendemain d’une liposuccion !), et pourquoi l’est-il après un accident de ski ou de parapente ?

Mais alors, si ce n’est pas de la médecine, les actes esthétiques doivent-ils être pratiqués uniquement par des médecins ? Et dans quelle mesure l’Ordre des médecins est-il compétent ? Ne pouvons-nous pas imaginer que, par exemple, une infirmière qui sait faire les piqûres au bon dosage puisse faire des injections de Botox ou des peelings, qu’ils soient chimiques, par laser ou par dermabrasion ? Et j’attends toujours une réaction des médecins généralistes à l’interdiction qui leur est faite de pratiquer de tels actes alors qu’ils sont autorisés à faire des accouchements, ouvrir un abcès, même réduire une fracture !

La société civile n’a-t-elle pas accepté que l’ostéopathie, voire l’acuponcture ou autre médecine holistique, soient effectuées par des non-médecins, ce dont d’ailleurs je me félicite, voyant mal pourquoi ces actes rémunérateurs, à condition d’une formation réglementée, ne seraient que le privilège de certains !

On discute actuellement de la possibilité pour un vétérinaire, dont les actes sont déjà soumis à la TVA, de faire des ordonnances pour un malade (donc un acte thérapeutique), alors qu’il est interdit à un médecin de prescrire un médicament à son propre chien !

Voici donc un dossier qui ouvre des portes qui l’on croyait bien « cadenassées  ».

Le Dr Plot est ancien secrétaire général de la Société française de chirurgie esthétique

La peau d’un homme !

Catllar (66)

Dr Roger Prost

Ceci est une réponse à la lettre du Dr Pierre Noël, publiée dans « le Quotidien » du 11 juin dernier.

Cher confrère, vous avez entièrement raison. Ce sont tous les médias qui ont étu Hollande ! Depuis 4 ans surtout, ils voulaient la peau de Sarkozy. Ils l’ont eue, de justesse. Pourquoi cette haine viscérale contre l’homme ? Alors que son bilan était plutôt en sa faveur ?

La réponse : par jalousie pure de cette gauche ringarde. Jalousie de voir un homme courageux n’hésitant jamais à prendre toutes les responsabilités, toutes les décisions (trop peut-être) sur ses épaules – quel courage face à 9 grèves contre la réforme des retraites !... Jalousie de voir son esprit d’ouverture pour rassembler les Français. Jalousie de sa générosité, même jusqu’aux cas individuels (ex. : les infirmières, Madame Ingrid Betancourt). Jalousie de sa présidence de l’Europe (où il a réussi à mettre fin à la guerre en Géorgie...). Jalousie de ses rapports avec l’Allemagne, moteurs franco-allemands de la communauté européenne. Jalousie d’avoir échoué à brouiller Fillon et Sarkozy. Bref, on pourrait continuer...

Bien sûr, il avait les défauts de ses qualités. Mais c’était avant tout le contraire des deux présidents précédents – « Surtout, messieurs, pas de vagues ! »

Moralité : déléguez davantage les responsabilités, ainsi les attaques ne seront pas que sur un seul homme. TV, radio, journalistes, presse... : c’est tout de gauche. Car c’est la mode, c’est tendance !

Dix questions à la ministre

Paris (75)

Dr Bernard Kron

J’ai 10 questions à vous poser.

• 1re question :

Voulez-vous réviser la nomenclature de la chirurgie et des accouchements dont la tarification a pris 80 % de retard en 20 ans ? Le directeur de la CNAM les considère comme licites du fait de l’absence de revalorisation des actes chirurgicaux.

• 2e question :

Voulez-vous imposer aux mutuelles complémentaires de financer dans des contrats complémentaires responsables la solvabilisation des DP s’ils sont raisonnables et dans quelle proportion ? Les dépassements des chirurgiens sont inférieurs à 1 million ; leur prise en charge n’écornerait pas le magot des mutuelles (17 millions de réserves).

• 3e question :

On parle de prolonger d’un an l’internat de médecine générale. Douze ans d’études c’est trop. Voulez-vous les raccourcir d’un an ce qui mettrait « sur le marché » 4 000 médecins de plus chaque année ?

• 4e question :

50 000 étudiants en première année entraînent une sélection draconienne (17 % de reçus). Ne pensez-vous pas que l’entrée en faculté de médecine devrait être limitée ?

• 5e question :

Un étudiant coûte chaque année 30 000 euros. La diminution du nombre d’étudiants en première année ferait des économies. Ne pensez-vous pas que ce budget pourrait être utile à la formation en dernière année dans le cadre d’un « super externat » ?

• 6e question :

L’ECN reçoit 100 % des étudiants. Cet examen qui n’est en fait qu’un classement aléatoire est coûteux et injuste, ne faut-il pas le supprimer ?

• 7e question :

Avec 60 millions de m2, nos hôpitaux ont un parc immobilier gigantesque, avec des domaines des immeubles, des vignobles. Ne faut-il pas fermer 30 à 40 % de ce parc pour équilibrer leur budget et les moderniser ?

• 8e question :

« Un hôpital met 15 ans entre sa conception et son ouverture ». Il n’a plus aucune chance de correspondre à l’hôpital de demain. Ne faut-il pas arrêter d’en construire pour restructurer les existants ?

• 9e question :

On manque d’infirmières à l’hôpital. Ne faudrait-il pas simplifier les grandes administrations hospitalières ?

• 10e question :

Pour dégager un budget pour la dépendance, ne faut-il pas simplifier toutes les administrations, diminuer le nombre des élus, des personnels territoriaux (+ 180 % en 20 ans) et interdire le cumul des mandats ?


Source : Le Quotidien du Médecin: 9150