Gestion de la crise sanitaire : le ministère ouvre (enfin) la porte aux acteurs de santé publique

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Publié le 28/04/2021
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Crédit photo : Phanie

La gestion gouvernementale de la pandémie de Covid-19 a été critiquée pour sa verticalité. Les choses sont-elles en train de changer, alors que la crise perdure et que la situation sanitaire du pays s’en trouve durablement dégradée, bien au-delà du risque épidémique ? À la demande du ministère de la Santé, la Société française de santé publique (SFSP) a rendu une première note le 20 avril.

Lutte contre les inégalités sociales et territoriales, santé mentale, stratégie de « l’aller vers », concertation systématisée, telles sont les quatre priorités mises en avant dans ce travail collaboratif. « C’est la première note de toute une série, explique François Berdougo, délégué général de la SFSP. Son objectif est de faire un tour d’horizon des enjeux immédiats et dans les prochains mois. Les prochaines publications concerneront des thématiques plus resserrées et rapporteront des remontées de terrain : quels besoins de santé sont non couverts ? Quelles expériences réussies peuvent inspirer les acteurs ? »

Une saisine fin 2020

La démarche est tardive. Pourtant, dès le début de la crise sanitaire à la suite de la mise en place du Conseil scientifique, la SFSP avait demandé à plusieurs reprises de pouvoir faire remonter la contribution des acteurs de terrain. « Cela n’avait pas été retenu par l’exécutif, rapporte François Berdougo. La co-construction avec des acteurs divers est pourtant un fonctionnement habituel des institutions dans le cadre de la démocratie en santé. Un pilotage qui ne mobilise pas les savoir-faire existants crée du brouillard un peu partout. Nos contacts avec les cabinets du Premier ministre et du ministre de la Santé ont abouti fin 2020. »

Ainsi, la société savante a constitué un groupe de travail composé d’une vingtaine de personnes, majoritairement membres de la SFSP, dont le Pr Emmanuel Rusch, son président, mais aussi de contributeurs extérieurs tels le Pr William Dab, ex-directeur général de la santé, Dominique Costagliola, épidémiologiste et membre de l’Académie des sciences, ou encore les Drs Jean-Luc Roelandt et Déborah Sebbane, psychiatres du centre OMS pour la santé mentale à Lille.

Préparer les conditions de la réouverture

« On est préoccupés pour les prochains mois, indépendamment de la dynamique épidémique, poursuit François Berdougo. La situation socio-économique est difficile, les systèmes de soins et de santé sont ébranlés et l’impact de la crise sanitaire sera durable : il y a des mesures d’amortissement à anticiper. Par exemple, à court et moyen termes, il est nécessaire de définir les conditions dans lesquelles il sera possible de reprendre le travail sur site et de maintenir l’enseignement en présentiel pour le plus grand nombre d’élèves et d’étudiants. » Des propositions sont faites : renforcement de l’hygiène, aération des classes, mesure du CO2. La SFSP préconise également de prioriser la vaccination des enseignants et de tous les personnels en contact avec les élèves et étudiants, aussi pour minimiser le risque de fermeture de classes.

La note de la SFSP fait ainsi état de « points de préoccupation et de vigilance ». L’accent est mis de nouveau sur la concertation, en particulier sur la co-élaboration des mesures pour qu’elles soient efficaces. Le pilotage de la réponse à la crise doit aussi se faire « à l’échelon local », communes, métropoles, départements, est-il précisé. « Beaucoup de gens n’ont pas attendu pour inventer des réponses, les ressources sont là, souligne François Berdougo. Les territoires où les acteurs de santé (institutions, professionnels de santé, collectivités, associations, réseaux…) se connaissent et ont l’habitude de travailler ensemble, ce sont ceux où les réponses à l’épidémie ont été plus simples à construire. La riposte fonctionne bien quand on arrive à faire système. »

Une communication à améliorer

La communication est aussi pointée comme pouvant être améliorée. « Assurer la stabilité et la clarté des discours publics », « développer une approche pédagogique avec les publics cibles », « adapter les messages de prévention (…) aux différents groupes sociaux », telles sont les préconisations adressées pour espérer mobiliser les populations. « Les acteurs de santé eux-mêmes nous disent “on est perdu, ça change tout le temps”, rapporte François Berdougo. Il faut élaborer les messages avec des représentants de professionnels de santé et d’usagers et les tester avant diffusion, pour s’assurer de leur réception. Sur l’hésitation vaccinale et plus largement, les messages doivent permettre de toucher une large diversité de groupes de population. »

Concernant le Covid long, la SFSP demande le développement et la structuration des filières de prise en charge permettant un accès à tous. « Une prise en charge multidisciplinaire permettrait la mise en place de plans de santé élargis et limiterait le nomadisme médical, sur le modèle de ce qui a été fait pour la maladie de Lyme », est-il proposé.


Source : lequotidiendumedecin.fr