Le Sénat, dominé par l'opposition de droite, a adopté ce 25 mai, en première lecture, une proposition de loi visant à modifier le dispositif actuel d'irresponsabilité pénale, au cœur de vives discussions à la suite des décisions de justice rendues dans l'affaire Sarah Halimi. Notamment la confirmation, par la Cour de cassation, de l'irresponsabilité pénale de Kobili Traoré, qui a défenestré sa voisine juive de 65 ans.
Le texte rassemble en 10 articles deux propositions de loi, l'une de Nathalie Goulet (centriste), la seconde de Jean Sol (LR). Il vise à faire évoluer le Code de procédure pénale pour répondre aux cas où « l'abolition temporaire du discernement de la personne mise en examen résulte au moins partiellement de son fait ». Dans les cas où il y aurait prise d'alcool ou de stupéfiants, le juge d'instruction renverrait alors l'auteur devant le tribunal correctionnel (s'il s'agit d'un délit) ou la cour d'assises (pour un crime) qui statuerait sur sa responsabilité pénale. Depuis 2008, ce débat sur l'irresponsabilité pénale se tient au sein de la chambre d'instruction, dans le cadre d'une audience publique et contradictoire.
Pas de modification de l'article 122-1
Contrairement à la volonté initiale de Nathalie Goulet, qui a reconnu avoir changé d'avis, le dispositif voté par le Sénat ne touche donc pas à l'article 122-1 du Code pénal relatif à la responsabilité pénale. Cet article stipule que la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, n’est pas pénalement responsable. C'est « une ligne rouge », cet article « ne doit pas être modifié », a déclaré le garde des Sceaux Éric Dupont-Moretti, semblant ainsi suivre les propositions du rapport rendu par Dominique Raimbourg et Philippe Houillon.
La proposition de loi prévoit en outre d'introduire dans le Code pénal « une aggravation systématique des peines pour les auteurs de crimes et délits en cas d'ivresse ou de consommation de produits stupéfiants ».
Le Sénat a aussi adopté un amendement porté par Valérie Boyer (LR) et Annick Billon (centriste) « visant à prendre en compte l’impact des violences conjugales » lorsque la responsabilité pénale d'une victime de ces violences est engagée. Et donc de pouvoir retenir l’irresponsabilité pénale dans certains cas où une victime ayant subi des violences conjugales pendant des années se retrouverait en raison d’un stress post-traumatique en situation de tuer son tortionnaire pour ne pas mourir.
De nouvelles règles pour l'expertise
Reprenant les propositions de Jean Sol, co-auteur d'un rapport d'information sur le sujet remis en mars dernier, le texte comporte également des dispositions relatives à l'expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale. La proposition de loi précise par exemple que « lorsque l’expert est commis pour se prononcer sur la détermination du discernement, la première expertise ne peut avoir lieu dans un délai excédant deux mois après le placement en détention de la personne concernée ».
Un autre article prévoit que « les médecins psychiatres chargés de l’examen d’une personne doivent obtenir directement sur leur simple demande les documents médicaux nécessaires à l’accomplissement de leur mission sans que le secret professionnel ne puisse leur être opposé ».
Enfin, plusieurs mesures concernent l'expertise post-sentencielle, notamment son élargissement aux psychologues formés en psychopathologie. Tout expert psychiatre ou psychologue inscrit sur les listes agréées devrait par ailleurs publier ses liens d'intérêts, consultables par les conseils des parties au moment de la désignation de l'expert.
Le projet du gouvernement imminent
Transmise à l'Assemblée, la proposition de loi du Sénat n'a guère de chance d'être votée en l'état, puisque le gouvernement travaille de son côté à un projet de loi. Visant à « limiter l'irresponsabilité lorsque l'abolition du discernement résulte d'une intoxication volontaire », ce texte vient d'être soumis à l'avis du Conseil d'État, a précisé le garde des Sceaux.
Dans un communiqué publié ce 26 mai, le Syndicat national des experts psychiatres et psychologues (SNEPP) a rappelé sa ferme opposition à la modification de l’article 122-1 (comme plusieurs autres syndicats de psychiatres). « La tentative de distinguer des causes "endogènes" constituées par une maladie psychiatrique préexistante et des causes volontaires "exogènes" entraînant une abolition qui ne serait pas à prendre en compte nous apparaît vaine et relever d’une double erreur à la fois sur le plan psychiatrique et sur celui du droit », écrit le Dr Jean-Claude Pénochet, président du SNEPP.
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