QUOTIDIEN DU MÉDECIN : Qu'est-ce que le concept One Health ?
JEAN-LUC ANGOT : Le concept One Health est basé sur une approche transversale de la santé : santé humaine, santé animale et santé environnementale. Le concept a émergé dans les années 2000 et s'est concrétisé par l'Alliance tripartite entre l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE), l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Cette approche interdisciplinaire vise à mieux connaître l'animal et ses relations avec l'homme et l’environnement afin de prévenir les crises d'origine zoonotique. De nombreux efforts restent à faire pour passer du concept à la réalité.
Quelles actions majeures ont déjà été menées par l'Alliance ?
L'Alliance s'est surtout concentrée sur la lutte contre l'antibiorésistance et la rage. Des travaux de recherche coordonnés sont menés pour identifier les facteurs d'antibiorésistance en vue de mieux les contrôler, et l'approche One Health a permis de financer des campagnes de vaccination des chiens errants dans les pays où la rage sévit.
Mais il faut que tous les pays suivent, ce qui n'est pas toujours le cas. Par exemple, un certain nombre de pays, notamment en Amérique, autorisent toujours l'utilisation d'antibiotiques comme facteurs de croissance dans l'alimentation animale, alors que c'est interdit dans l'Union européenne depuis 2006.
Qu'apporte le monde vétérinaire à la crise du Covid ?
Les vétérinaires ont une expertise en termes de gestion de crises épidémiques, qui sont relativement fréquentes dans le monde animal. Les coronavirus en particulier sont très connus, le premier ayant été découvert en 1937 chez la volaille.
Le monde vétérinaire a par ailleurs fourni du matériel comme des respirateurs et des anesthésiques. Et certains laboratoires vétérinaires ont pu effectuer des tests diagnostiques RT-PCR du Covid.
En France, y a-t-il une volonté politique de s'emparer de la thématique One Health ? Et à l'international ?
Un des objectifs du colloque du 1er octobre à l'Assemblée nationale est justement d'interpeller les politiques sur l'importance du sujet. Une prise de conscience s'est déjà opérée avec la crise du Covid qui a été un facteur déterminant pour la suite.
Mi-juillet, à l'occasion d'une réunion portant sur le nouveau Plan national Santé Environnement (PNSE 4), il a été décidé qu'un groupe réunissant toutes les parties prenantes autour du concept One Health soit créé en vue de proposer des actions concrètes. Aux niveaux européen et international, il manque encore une volonté politique forte pour que le concept One Health se développe.
Quelles sont les solutions envisagées ?
Il faut déjà décloisonner médecines vétérinaire et humaine en matière de formation, en favorisant les passerelles entre les deux. Des diplômes One Health existent déjà, mais gagneraient à être développés. Les décideurs devraient aussi pouvoir suivre ce type de formation pour acquérir ces compétences transversales.
Pour une meilleure coordination internationale, on peut imaginer la création d'un groupe équivalent au GIEC (1) pour le climat, intégrant des médecins, des vétérinaires et des écologues, mais aussi des experts des sciences humaines et sociales. Il faut mobiliser toutes les sciences au service d'une seule santé, car le travail en silo ne permet pas d'appréhender tous les sujets.
La recherche nécessite aussi d'être mieux coordonnée à l'international, notamment pour cartographier les risques et mieux comprendre comment les pathogènes franchissent la barrière d'espèces.
Enfin, des mesures doivent être prises pour réguler le commerce légal des animaux sauvages et lutter contre le commerce illégal, mais aussi pour agir davantage en faveur de la biodiversité. Le concept One Health doit aussi pouvoir s'appuyer sur la solidarité internationale en aidant les pays en développement à renforcer leur système de santé et leurs réglementations.
(1) Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat)
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