Journée mondiale sans tabac : des sociétés savantes appellent à généraliser les stratégies qui ont fait leurs preuves

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Publié le 31/05/2021

Crédit photo : PHANIE

Alors que le tabagisme reste la principale cause de décès évitable dans le monde, quatre sociétés savantes (American Heart Association, American College of Cardiology, European Society of Cardiology et World Heart Federation) exhortent à la mise en place « immédiate » des stratégies qui ont prouvé leur efficacité pour réduire la consommation de tabac.

Dans un texte commun, « The Tabacco end game », publié à l’occasion de la Journée mondiale sans tabac ce 31 mai, ces organisations rappellent que le tabac est responsable de 12 % des décès mondiaux chez les plus de 30 ans, soit 8 millions de morts, dont 1,2 million de non-fumeurs. Mais, « malgré les réductions mondiales de la consommation de tabac, l’arrivée des cigarettes électroniques et d'autres produits du tabac plus récents avec des arômes impacte dramatiquement l’usage du tabac chez les plus jeunes » en particulier aux États-Unis et menace les progrès, alerte le texte.

Les jeunes, la e-cigarette et les arômes

Outre-Atlantique, plus de 3,6 millions d’adolescents l’ont en effet utilisé en 2020. En Europe, le taux d’utilisation de la e-cigarette chez les 13/15 ans atteint 23,4 % en Pologne et 17,5 % en Italie. La croissance de cette consommation chez les jeunes inquiète d’autant les auteurs que les composants évoluent vite et que les effets à long terme restent mal connus. Davantage de recherches sont nécessaires, entre autres sur les usages combinés de la cigarette et de sa version électronique ainsi que dans le sevrage tabagique, estiment les auteurs. Les États-Unis ont déjà interdit les arômes autres que tabac et menthol pour la e-cigarette début 2020. 

Les produits du tabac avec des arômes doivent aussi être mieux encadrés. Alors que la moitié des ados américains qui fument consomment des menthols, les États-Unis viennent seulement en avril 2021 d'interdire la vente des arômes mentholés pour la cigarette. Les États sont ainsi invités à prohiber les parfums qui attirent le plus les jeunes. 

Plus généralement, le texte réclame l’application des approches politiques du programme MPOWER de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : surveillance du tabagisme et prévention, protection des populations de la fumée de tabac, aide au sevrage, mise en garde sur les dangers, respect des interdictions de la publicité et augmentation des taxes. Les auteurs plaident ainsi pour abaisser les concentrations de nicotine dans les différents produits, mais aussi pour renforcer les évaluations préalables à la commercialisation et augmenter les taxes sur les cigarettes et e-cigarettes.

L’arrêt du tabac doit être mieux accompagné. Sur les plus d’un milliard de fumeurs dans le monde (21 % des adultes sont des fumeurs, dont 80 % vivent dans des pays à revenus faibles ou intermédiaires), 780 millions veulent arrêter, estiment les auteurs, saluant l’initiative de l’OMS « Commit to quit », lancée en décembre dernier, pour soutenir 100 millions d’entre eux dans leur sevrage. « Les stratégies fondées sur des données probantes qui ont été mises en œuvre avec succès dans des pays du monde entier, de la réglementation gouvernementale aux taxes sur le tabac en passant par le financement des programmes de prévention et de sevrage, feraient une énorme différence si elles étaient mises en œuvre à l'échelle mondiale », commente le Dr Mitchell Elkind, président de l'American Heart Association, dans un communiqué.

Campagnes de marketing et cinéma

Enfin, des efforts doivent être menés pour réglementer le marketing de l’industrie du tabac et mener des campagnes de contre-marketing ciblées sur les jeunes, alors que la majorité des décès dus au tabac survient « dans les pays à revenu faible ou intermédiaire à la suite de campagnes de marketing agressives menées par l'industrie du tabac dans ces régions », analyse le Pr Stephan Achenbach, président de la Société européenne de cardiologie.

Dans l’optique de lutter contre la valorisation du tabagisme, la Ligue contre le cancer a publié le 26 mai la 3e édition de son enquête sur les films français. Le tabac y « demeure quasi omniprésent » dans les 150 œuvres analysées : entre 2015 et 2019, « 90,7 % comprennent au moins un événement, un objet ou un discours en rapport avec le tabac : personnes en train de fumer, présence de cendriers, cigarettes, personnage qui parle de tabac.... », est-il relevé. La présence du tabac (2,6 minutes en moyenne) équivaut ainsi à « six spots publicitaires », déplore la Ligue.

« Il faut continuer à dénoncer les puissants lobbies du tabac qui n'hésitent pas à apporter des financements pour voir leurs produits apparaître à l'écran, de façon plus ou moins directe », insiste le Pr Axel Kahn, président de la Ligue, déplorant les « campagnes aussi agressives qu'insidieuses auprès des plus jeunes » de l’industrie du tabac.


Source : lequotidiendumedecin.fr