SAVOIR DÉCHIFFRER UN SOURIRE ou une émotion chez les autres, est nécessaire pour l’établissement de relations sociales complexes. Depuis les années 80, les chercheurs en sciences sociales s’attachent à définir les compétences associées à la «théorie de l’esprit (TdE)» c’est- à-dire à «la capacité d’inférer et de se représenter les pensées et les émotions d’autrui» indique au «Quotidien» Emanuele Castano, professeur à NSSR et coauteur de l’article paru dans «Science». « Dans le roman littéraire, l’action est secondaire par rapport au développement des personnages. (Ceux-ci) sont contradictoires, complexes et surtout incomplets. Le lecteur doit construire lui-même le personnage, explique Emanuele Castano. Cette démarche a un lien direct avec la théorie de l’esprit.»
Deux groupes.
Pour tester si le roman littéraire pouvait effectivement influencer la TdE, Emanuele Castano et David Comer Kidd ont recruté des personnes sur la toile et les ont réparties en plusieurs groupes. Au cours d’expériences successives, les chercheurs ont assigné à ces groupes des lectures différentes ou pas de lecture. Certains ont donc reçu une dizaine de pages d’une œuvre romanesque littéraire récente. D’autres groupes ont dû lire un extrait d’un roman de diffusion populaire; défini comme une œuvre caractérisée par l’action qui s’y déroule, et, qui ne demande pas beaucoup d’investissement de la part du lecteur (roman d’amour, d’aventure, policier, ou de science-fiction…). Enfin d’autres se sont vus attribuer un texte d’information. Les participants ont dû ensuite passer des tests traditionnels de mesures cognitives et affectives caractéristiques de la TdE.
L’un des tests le plus utilisé consiste à interpréter les émotions exprimées dans une série de photos de regards en noir et blanc.
Une expérience sociale.
D’une façon générale, les chercheurs ont constaté que les lecteurs de romans ou de nouvelles littéraires obtenaient pour ces tests de bien meilleurs résultats que tous les autres groupes. Et cela, les psychologues sociaux soulignent dans un podcast, ne dépendait pas des émotions ressenties, du niveau d’éducation, de la familiarité avec le genre, ni même du plaisir procuré par le texte. Nous voyons la lecture de textes littéraires comme une sorte d’expérience sociale, concluent-ils. Elle stimule notre activité de théorie de l’esprit, nous place dans une position où nous devons réellement utiliser à son maximum notre capacité de comprendre les autres personnes. Les expériences des chercheurs de NSSR se sont limitées à des effets de courte durée, mais estime Emanuele Castano, « elles montrent l’effet, la causalité ». Et il ajoute : «Nous étudions le roman littéraire comme une pratique culturelle parmi d’autres. Nous espérons qu’en général ce travail va provoquer une réflexion sur ce que cela signifie de vivre dans une communauté qui soutient les lettres et les arts.»
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