C’EST UN EXPLOIT : l’ambiance aux États-Unis n’est pas celle des réformes, depuis que celle du système de soins a déclenché la formation spontanée d’un mouvement, le Tea Party, dont la principale forme d’expression est l’ostracisme à Obama, à l’administration fédérale, aux impôts, aux minorités. Malheureusement pour cette droite populiste (et néo-fascisante : ses leaders pensent que si les pauvres sont pauvres, c’est parce qu’ils sont bêtes), il se trouve qu’une large partie du peuple américain réclame depuis 2008 un contrôle des banques d’affaires et de leurs pratiques. Le président l’a compris qui, dans la foulée d’une loi sur l’assurance-maladie, obtenue à l’arraché et dans un concert de jérémiades, a fini par trouver une majorité au Congrès en faveur de la régulation de la finance.
Le lobby, voilà l’ennemi.
Cette fois, les lobbies sont KO. À populiste, populiste et demi. C’est en Europe qu’on attendait une réforme rapide des opérations financières, c’est aux États-Unis qu’elle a lieu, et dans des temps records. Du coup, le bilan de l’administration Obama commence à s’étoffer. Cet accomplissement n’est pas médiocre, dans un pays où, sans cesse aiguillonnés par des médias qui s’en prennent tous les jours au chef de l’exécutif, les électeurs républicains nourrissent l’impossible espoir de raccourcir son mandat. Barack Obama navigue entre deux terribles écueils : il est critiqué sur sa gauche parce qu’il n’irait pas assez loin dans les réformes et la bataille contre le conservatisme, il est abhorré à droite sans doute parce qu’il est noir, que le racisme n’a jamais disparu, et qu’il pratique un interventionnisme insupportable pour ceux qui aiment leur propre liberté au point d’ignorer celle des autres. Le président a d’ailleurs compris que sa politique de la main tendue ne produit aucun effet. Il a donc durci son discours et traite les banques, les financiers, les lobbies et les spéculateurs comme des adversaires sinon comme des ennemis. Tout récemment, il a prédit que les lobbies arriveraient à la rescousse pour couler sa réforme de la finance mais qu’ils ne parviendraient pas à leurs fins.
LE CARE N’EST PAS UNE AFFAIRE DE GOUVERNEMENT
Le plus intéressant, c’est l’impact de la vie politique américaine sur celle de la France. La gauche n’a pas de mots assez aimables pour louer Obama, dans lequel elle voit un peu vite le champion de ses propres idées, bien que le mot socialiste n’ait jamais figuré sur aucun texte d’Obama. Et que ne voit-on pas ? Que Martine Aubry s’enflamme pour un concept de la société américaine, celui du care. C’est plus la résurrection d’une idée trop vague pour enthousiasmer les Américains, que l’adaptation à la France d’une notion ou d’un système anglo-saxon. Care, c’est avoir le souci des autres, éprouver assez de sympathie pour leur venir en aide. Le projet, si c’en est un, a été décrit dans les années soixante dans un livre de Carol Milligan, repris en 1993 par Joan Tronto. Toutes deux faisaient du care une sorte de particularité féminine, sous le prétexte que les femmes auraient un comportement social plus favorable aux déshérités, ce qui n’a jamais été prouvé par les faits (rappelez-vous Margaret Thatcher). Mme Aubry en fait un « autre modèle de développement économique, social et durable, et un autre rapport entre les individus ».
Chercher ailleurs.
Le sujet est intéressant pour deux raisons : contrairement à ce que croit Mme Aubry, le care n’a jamais été un modèle de développement. Ce n’est pas une affaire de gouvernement mais une affaire d’associations. De ce point de vue, le care a déjà triomphé en France où le réseau des associations est extraordinairement dense. Il a triomphé aux États-Unis où pullulent les fondations et où un système fiscal indulgent permet aux donations de représenter un tiers du budget des États-unis, soit pas loin de 1 000 milliards de dollars. Une somme énorme qui ne sert pas toute à alléger les souffrances des gens mais qui compense très partiellement les insuffisances d’un filet social dont les mailles sont trop larges.
Évidemment, Martine Aubry pense plus à une état d’esprit de la population qu’à la privatisation de la Sécurité sociale : nous ne feindrons pas de ne pas l’avoir compris. Il demeure que, si la charité privée est toute-puissante en Amérique, c’est à cause d’une Sécurité sociale beaucoup trop pingre. Il suffit de savoir que le système de retraites sera en équilibre aux États-Unis pendant encore quelques décennies. Raisons : une démographie favorable et surtout un montant des pensions plutôt bas. Le PS doit chercher ses idées ailleurs.
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