LES TRAVAILLISTES occupent le pouvoir depuis treize ans. Dans n’importe quelle démocratie, c’est un bail très long, étant entendu que les Tories (conservateurs) ont fait encore mieux quand ils ont gouverné de 1979 à 1997 (dont onze ans pour la seule Margaret Thatcher). Si Gordon Brown n’a pas envie de quitter le 10 Downing Street, c’est parce que, pour sa part, il n’a accédé à la fonction de Premier ministre qu’il y a trois ans, en 2007, l’année où, de guerre lasse et pour respecter enfin la promesse qu’il avait faite à son premier lieutenant, Tony Blair démissionna. Gordon Brown est plus souvent caricaturé que décrit objectivement par les médias, britanniques ou étrangers. Certes, il n’a pas le charisme de son prédécesseur. Mais c’est quand même M. Brown qui, en tant que chancelier de l’Échiquier a fait faire en dix ans à l’économie britannique un bond quantitatif très remarquable. On lui reproche ses colères et même sa brutalité ; c’est pourtant un manager formidable. Hélas, la crise a frappé la Grande-Bretagne avec plus de force qu’ailleurs parce que, justement, la libéralisation de l’économie et le fameux Big Bang de la City (une liberté totale accordée aux flux financiers) ont permis au pays et à ses habitants de s’endetter excessivement. Or la première leçon de la crise, c’est que la croissance par la dette n’est plus une option.
Les Tories en tête.
Voilà donc le Labour dans une situation précaire. Il y a encore quelques semaines, les prévisions étaient simples : les Tories, avec à leur tête le jeune David Cameron, allaient défaire les travaillistes et constituer le gouvernement. L’usure du pouvoir, la fatigue personnelle de Gordon Brown, qui n’a réclamé la direction du gouvernement que pour y faire pâle figure, le retournement de la conjoncture en 2008-2009 ont convaincu les Britanniques que le Labour avait besoin d’une cure de sommeil. C’était réglé comme du papier à musique jusqu’à ce que Nick Clegg fasse une apparition étincelante le mois dernier dans le premier de trois débats télévisés consacrés aux programmes des candidats. Les Britanniques, et sans doute les femmes plus particulièrement, ont été emballés par cet homme qui a 43 ans ans mais en fait trente et s’exprime merveilleusement. M. Cameron n’a qu’un an de plus mais, après tout, il incarne trop le prétendant légitime. Avec M. Clegg, on a l’impression d’aspirer une grosse bouffée d’oxygène. Bref, c’était l’homme nouveau, celui du changement, il allait bfaire « autre chose ». M. Clegg dirige un parti, les Libéraux-Démocrates, qui est issu du Labour et qui a plus d’affinités avec la gauche qu’avec les conservateurs. Cosmopolite (sa femme est espagnole et son père à demi-russe), il n’a pas craint de se montrer pro-européen dans un pays où l’euroscepticisme est roi. Il a dit honnêtement sa vérité, de sorte qu’après un décollage rapide dans les sondages, sa cote s’est tassée sous les coups de boutoir que lui a donnés David Cameron dans les deux débats qui suivaient.
NICK CLEGG A BOULEVERSÉ UN SCRUTIN RÉGLÉ COMME DU PAPIER À MUSIQUE
Quelle leçon faut-il tirer de l’ascension imprévue de Nick Clegg ? D’abord que la télévision est sans rivale quand elle veut créer des stars. Ensuite que les Libéraux-Démocrates restent un petit parti et qu’ils ne peuvent pas exercer le pouvoir à eux seuls. Compte tenu des règles électorales britanniques, les petits sont désavantagés et les gros favorisés. Les Lib-Dem peuvent entrer soit dans un gouvernement à majorité tory soit dans un gouvernement travailliste. Ils auront en conséquence un rôle-charnière. M. Cameron l’a si bien compris que dans les deux derniers débats il a attaqué Nick Clegg plutôt que Gordon Brown, qu’il sait déjà mal en point.
Du coup, les prévisions sont impossibles. Le Labour peut perdre encore des électeurs au profit des Lib-Dem, ce qui contraindrait M. Cameron à négocier avec M. Clegg. Cette seule démarche serait en elle-même une sorte de défaite pour les conservateurs. Il faut savoir que dans le pays de Sa Majesté, les orateurs politiques ne prennent pas de gants pour attaquer leurs adversaires. Jusqu’à il y a un mois, M. Cameron présentait sa future victoire comme éblouissante et sans appel. Ce ne sera pas le cas, d’autant que le type de scrutin en vigueur favorise la gauche.
Et les programmes dans tout ça ? À part l’engagement européen de M. Clegg, rien ne les distingue vraiment. Tories et travaillistes ne sont pas différents en matière de libéralisme économique et la crise, qui laisse le Royaume-Uni pantelant, n’a incité aucun des trois partis à préconiser une révolution sociologique. La virulence des propos que chacun tient sur les deux autres est à la mesure de l’uniformité de leurs vues.
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