Les députés ont adopté en première lecture ce 23 septembre le projet de loi « responsabilité pénale et sécurité intérieure », par 34 voix pour, huit contre et six abstentions. Ses trois premiers articles retouchent le régime juridique de l'irresponsabilité pénale, en réponse à l'émotion suscitée par l'« affaire Halimi », cette sexagénaire juive tuée par un voisin, consommateur de cannabis, en proie à une bouffée délirante, selon les experts psychiatres, et déclaré irresponsable.
Les députés ont ainsi validé l'article 1, qui exclut du dispositif d'irresponsabilité pénale, les cas où l'abolition du discernement ou du contrôle des actes (temporaire, lors du crime) résulte d'une consommation volontaire de substances psychoactives, dans le but de commettre l'infraction, ou de faciliter le passage à l'acte. Une disposition qui s'appliquerait par exemple aux terroristes qui vont « s'abrutir juste avant leur forfait », selon la corapporteure Naïma Moutchou (LREM). « Il serait inconcevable, par exemple, que des terroristes qui s'intoxiquent au captagon pour aller au bout de leur logique meurtrière ne puissent pas être jugés », a argumenté dans l'hémicycle le garde des Sceaux. « Pas d’impunité pour la mise en irresponsabilité volontaire », a déclaré Coralie Dubost (LREM).
Puis ce 22 septembre, les députés ont adopté (par 73 voix pour, 4 contre et 3 abstentions) l'article 2 du projet de loi, qui crée, pour des personnes déclarées irresponsables pénaux cette fois, de nouvelles infractions sanctionnant leur consommation volontaire de toxiques, dès lors qu'ils avaient « connaissance du fait que cette consommation (était) susceptible de conduire à commettre des atteintes à la vie ou à l’intégrité d’autrui ». En cas d'atteinte à la vie, la peine est de 10 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende (voire 15 ans si la personne a déjà été déclarée irresponsable par le passé). En cas d'atteinte à l'intégrité, les peines vont de 2 à 7 ans d'emprisonnement selon la gravité des violences.
La majorité a modifié la version initiale pour englober les cas de tortures, d'actes de barbarie, d'incendies volontaires et de viols.
Des situations extrêmement rares
Du bout des lèvres, la majorité a reconnu que ce nouveau délit ne s'appliquerait guère plus que le premier à l'affaire Sarah Halimi. « On légifère surtout pour l'avenir », a fait valoir la députée LREM Lætitia Avia. « Ce sont des situations extrêmement rares », a reconnu le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti. « Celui qui, parce qu'il a bu ou s'est drogué en toute connaissance de cause, entre dans une folie au sens psychiatrique avant de commettre un crime mais n'est jugé responsable de rien : c'est ça qu'on ne veut plus », a encore expliqué le ministre de la Justice.
Le ministre de la Justice a défendu « le subtil équilibre » de son texte « entre l'exigence de nos grands principes et la volonté exprimée par les Français ». Les critiques ont surtout surgi des rangs des extrêmes. « On détricote le principe de l'irresponsabilité pénale », s'est offusquée la députée LFI Danièle Obono. C'est de la « pure communication politique », a renchéri son collègue Ugo Bernalicis, estimant que ces modifications « ne concernent que des cas d’école qui n'auraient rien changé à l'issue du jugement de Sarah Halimi ». La droite et l'extrême droite ont réclamé un alourdissement des peines, tout en critiquant la portée réelle de ces nouvelles mesures.
Quant aux psychiatres, peu favorables à un changement de la loi actuelle, ils considèrent que la réforme « préparée dans la précipitation » ne changera guère les pratiques. Et « déplorent qu'elle n’ait pas plutôt donné lieu à l'indispensable réflexion globale sur l’expertise psychiatrique », selon les mots de l'Association nationale des psychiatres experts de justice (ANPEJ), la Compagnie nationale des psychiatres experts près les cours d’appel (CNEPCA), le Syndicat national des experts psychiatres et psychologues (SNEPP), et la Section psychiatrie légale de l’Association française de psychiatrie biologique et de neuropsychopharmacologie (SPL).
Objet d'un examen en procédure accéléré, l'ensemble du texte (qui comporte d'autres mesures comme l'encadrement de l'utilisation des drones par les forces de l'ordre) sera examiné en séance au Sénat, du 18 au 20 octobre.
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