LE CHEF DE L’ÉTAT a pris des accents gaulliens, mardi, évoquant la seconde guerre mondiale, le Conseil national de la résistance et la politique familiale française, pour vanter le système de protection sociale fondé en 1945 dont il s’érige en défenseur. Lors d’un déplacement dans une caisse d’allocations familiales de Bordeaux, où il a visité le service de contrôle et de versement des prestations, Nicolas Sarkozy est passé à l’offensive pour dénoncer la multiplication des fraudes sociales. Il a mis l’accent, entre autres sujets, sur les abus aux arrêts maladie, un domaine sur lequel le gouvernement a intensifié ses efforts depuis 2007. Accompagné d’Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères et maire de Bordeaux, Xavier Bertrand, ministre du Travail et de la Santé et Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités, le Président de la République a prononcé un long discours, soulignant la nécessité de renforcer la lutte contre ces fraudes « afin de préserver les acquis sociaux ».
Les médecins devront répondre de leur comportement.
Dans ce contexte, Nicolas Sarkozy a affiché sa volonté de durcir la lutte contre la fraude aux arrêts maladie. « Frauder la Sécurité sociale, c’est voler, pas simplement abuser du système, c’est voler chacun et chacune d’entre nous, a martelé le chef de l’État. Celui qui bénéficie d’un arrêt de travail frauduleux, comme celui qui le prescrit vole tous les Français ». La chasse aux arrêts abusifs est devenue une priorité gouvernementale. Un projet de décret visant à imposer aux fraudeurs des sanctions financières est dans les tuyaux.
Xavier Bertrand a été clair sur les intentions gouvernementales. « Entre un arrêt de travail sur 10 et un sur 6 est illégal, a indiqué le ministre de la Santé sur RTL. Cela représente des centaines de millions d’euros dépensés en pure perte chaque année. Il faut que cela cesse et qu’en plus les fraudeurs, les voleurs concernés, remboursent ». Jusqu’à présent, la Sécurité sociale suspendait les IJ du salarié mais ne demandait pas le remboursement des sommes perçues indûment. Les choses vont changer. « Les médecins qui ont signé ces arrêts maladie devront aussi répondre de leur comportement », a ajouté le ministre de la Santé. « Les actions de contrôle des arrêts de travail, de courte et de longue durée, vont se renforcer », ont ajouté conjointement les ministères du Travail, du Budget et de la Fonction publique.
Selon Xavier Bertrand, la triche sociale - dont le volet IJ n’est qu’un aspect - représente un montant considérable pour la Sécu. La fraude aux prestations sociales coûterait « près de 4 milliards d’euros » par an. L’an dernier, celle qui a été détectée ne s’élève qu’à 458 millions d’euros.
Depuis quelques mois, la fraude sociale est une des cibles privilégiées de la majorité présidentielle. Elle a été l’objet d’une puissante offensive lors du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2012, sous la houlette du député UMP Dominique Tian. Un répertoire national commun de la protection sociale devait voir le jour d’ici à la fin de l’année pour repérer les prestations incompatibles dans différentes branches.
Populisme ou citoyenneté ?
La polémique n’a pas tardé. Les partenaires sociaux se sont élevés contre la volonté des pouvoirs publics de « punir les malades ». Selon la CFDT, le gouvernement a « choisi le populisme ». FO dénonce la « suspicion » que fait peser le gouvernement sur les salariés malades. La FNATH (accidentés de la vie) estime que « les malades n’ont pas à être tenus pour responsables d’un arrêt de travail qui semblerait injustifié » puisque « ce sont les médecins qui prescrivent la durée des arrêts maladie ».
Les praticiens sont, eux, divisés sur les intentions du gouvernement. La CSMF rappelle que les arrêts maladie font partie du « pacte social » pour soigner les malades. « Tout système, pour être vertueux, doit être contrôlé, concède son président, le Dr Michel Chassang. Mais nous souhaitons que ce contrôle soit effectué par l’assurance-maladie, pas par une entreprise privée payée par l’employeur ». « Il est normal, qu’en cas arrêt injustifié, il y ait des sanctions, ajoute le Dr Chassang. Mais je rappelle que la loi de financement de la Sécurité sociale de l’an dernier avait déjà instauré une amende de 6 000 euros pour les médecins incriminés ». Des praticiens qui manquent d’un outil, un référentiel sur les arrêts de travail, ajoute le Dr Chassang. S’il salue de son côté la défense de « valeurs citoyennes », le Dr Christian Jeambrun, président du SML, s’interroge sur la difficulté de la tâche. « À quel moment un arrêt de travail est-il frauduleux ? Attention à ne pas transformer un combat juste en une chasse aux sorcières ».
Quant au Dr Claude Leicher, président de MG France, il juge que l’intervention du chef de l’État n’est pas destinée à « fliquer » les médecins mais à marquer les esprits pour la prochaine élection présidentielle. « La lutte contre la fraude aux arrêts maladie représente 0,1 % des dépenses de santé, rappelle-t-il. Par ailleurs, c’est un secteur déjà très contrôlé par la CNAM ». Le leader de MG France ironise : « Si on nous enlevait la prescription des arrêts maladie, nous ne serions pas contre. Si les médecins conseils veulent s’en occuper… mais cela ne nous semble pas faisable ».
Le Dr Claude Bronner, coprésident d’Union Généraliste, est circonspect sur les effets de cette séquence politique. « Ces annonces jettent un climat de suspicion, dit-il. Le gouvernement essaie de faire ami-ami avec les médecins libéraux et il casse tout avec des initiatives comme celles-là. C’est stupide et contre-productif ».
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