L’épidémiologie par les eaux usées est un champ en pleine évolution dont le Pr Vincent Maréchal et un collectif de chercheurs se sont saisis dès le début de l’épidémie Covid en France. L’idée est de suivre la circulation du pathogène excrété via le tube digestif en analysant les eaux usées.
Plusieurs travaux menés sur le SARS-CoV-2 ont montré que son génome était présent non seulement au niveau des voies respiratoires mais également dans les selles à des concentrations relativement élevées. Des études plus récentes font état d’un génome viral très résistant dans les selles mais dont « l’infectiosité » disparaît rapidement.
Dès le mois de mars, la présence du génome viral a été détectée dans les eaux usées de la région parisienne par un groupe de travail réunissant des chercheurs de Sorbonne Université, du laboratoire de recherche et développement de la ville de Paris et de l’Institut de recherche biomédicale des Armées.
Plusieurs observations ont montré une étroite corrélation entre les quantités de génome viral détectées dans les eaux usées et la circulation du virus dans la population générale, que l’on soit en période de « crise » ou de confinement. La quantification du génome dans les eaux usées est ainsi apparue comme un indicateur épidémiologique fiable et prédictif, puisque les résultats précédaient ceux des hospitalisations ou des entrées en réanimation.
Un réseau multidisciplinaire
Le projet Obépine pour « OBservatoire ÉPIdémiologique daNs les Eaux usées », co-fondé par le professeur de virologie Vincent Maréchal, est mené depuis le 5 mars dans plusieurs stations d’épuration d’Île-de-France. En juin 2020, le ministère de la Recherche a soutenu l’idée de le développer ce réseau multidisciplinaire sur l’ensemble du territoire français.
Les 22 000 stations d’épuration françaises ont été classées en fonction de quelque trente paramètres (hydrologie, densité de population, etc.). Ainsi, 150 stations référentes, ou stations mères, ont été identifiées auxquelles ont été associées des stations filles de même typologie mais réparties différemment sur le territoire. La finalité de ce découpage, explique le Pr Maréchal, est « entre autres, de mieux comprendre les effets d’une stratégie préventive contre le Covid-19, par exemple le couvre-feu, entre deux stations ayant la même typologie, l’une étant sous couvre-feu et l’autre sans ».
Le réseau de laboratoires vise à récupérer 300 à 600 échantillons par semaine issus des 150 stations d’épuration. In fine, les équipes espèrent pouvoir rendre les données en prenant en compte les phénomènes perturbants, tels que pluies ou déchets industriels. À ce jour, sept laboratoires sont déjà « conventionnés », 95 villes sur 156 ont donné leur feu vert pour le projet d’analyse du génome viral dans les eaux usées et 30 à 40 stations d’épuration sont suivies régulièrement.
Pour la santé des populations
« Le principal enjeu à court terme est d’ordre sociétal », rappelle le Pr Maréchal. Il s’agit de donner une information pertinente aux Agences régionales de santé et aux collectivités pour mieux suivre la circulation du virus et mieux la gérer à l’échelle d’un territoire. À plus long terme, cet outil sentinelle pourrait assurer le suivi d’autres germes entériques comme les virus des gastro-entérites, de la grippe ou les bactéries multirésistantes.
Le Pr Maréchal insiste sur la nécessité de « valoriser cet outil » dont la finalité, rappelle-t-il, est « de tirer un maximum d’informations pour évaluer l’état de santé des populations ». Il regrette que la médecine française, trop centrée sur l’hôpital, n’intègre pas suffisamment la valeur ajoutée de l’environnement. Or, le concept « One health », dont il est l’un des fervents défenseurs, stipule que cette composante est incontournable dans la prise en charge optimale de pathologies infectieuses à risque pandémique. « Le Covid-19 en est une illustration parfaite », conclut-il.
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